Le gouvernement québécois n'a plus le choix: pour pouvoir fournir les coûteux traitements de pointe que les patients réclament, il devra négocier des ententes particulières avec les sociétés pharmaceutiques.

Quels médicaments le régime public québécois doit-il offrir? Jusqu'à tout récemment, la réponse était simple. Elle venait de l'INESSS (Institut national d'excellence en santé et en services sociaux), agence gouvernementale indépendante chargée d'évaluer le rapport coût-utilité des traitements.

Le mécanisme s'est enrayé l'an dernier lorsque le ministre de la Santé, cédant aux pressions des lobbies de patients et de fabricants de médicaments, a décidé de couvrir trois substances anticancéreuses dont l'INESSS avait pourtant établi qu'elles ne nous en donneraient pas pour notre argent.

Voilà un épisode qui ne doit pas se répéter. Un ministre de la Santé ne peut pas privilégier certains malades sous prétexte qu'ils crient plus fort que les autres. D'autant qu'en acceptant de payer sans condition, Québec ne s'est pas mis en position de force face aux fabricants.

Dommage, car ce genre de problème est appelé à se reproduire. Déjà, l'INESSS a signalé quatre autres médicaments qui pourraient être utiles à certains patients, mais coûtent trop cher par rapport aux bénéfices démontrés. L'agence recommande donc de négocier une entente de partage de risques financiers pour diminuer le coût du traitement.

«Il est impératif que le Québec se dote d'une politique claire et définie permettant d'encadrer la négociation de ces ententes», recommande un récent rapport du CIRANO préparé par Mélanie Bourassa Forcier, professeure à la faculté de droit de l'Université de Sherbrooke, et François Noël, de la même université.

D'autant que ce ne sont pas les modèles qui manquent. Plusieurs pays, dont l'Angleterre, la France, l'Australie et l'Allemagne, ainsi que les provinces de l'Ontario et de l'Alberta, ont testé diverses formules. Beaucoup de ces ententes visent à réduire les coûts, mais d'autres portent sur l'efficacité du médicament. Le fabricant peut par exemple rembourser les traitements s'ils ne donnent pas les résultats promis.

Malheureusement, le caractère confidentiel de ces ententes limite l'information que les gouvernements peuvent partager entre eux et, donc, leur rapport de force avec les sociétés pharmaceutiques. D'où l'importance de se donner un cadre cohérent pour négocier avec elles. Québec doit le faire sans tarder, car c'est la seule façon de répondre aux attentes des malades sans risquer de mettre nos systèmes d'assurance médicament et de santé en faillite.

Les citoyens aussi devront être conséquents et faire pression au bon endroit. C'est-à-dire sur les fabricants, pour qu'ils proposent leurs molécules à des conditions que nous sommes capables de nous offrir. Et non sur les élus pour qu'ils les achètent à n'importe quel prix.

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