De plus en plus de Canadiens prennent l'avion aux États-Unis pour payer leur billet moins cher. C'est agaçant pour les aéroports d'ici, mais ce n'est pas une raison pour adopter les recommandations du Sénat à l'aveuglette.

Près de 5 millions de Canadiens ont boudé leur aéroport local et traversé la frontière pour prendre leur vol l'an dernier, soit 15% de plus qu'en 2010. Pour rendre les tarifs canadiens plus concurrentiels, Ottawa doit faire une croix sur les loyers des aéroports, recommande un rapport sénatorial publié cette semaine. Un instant!

Personne ne sait combien les voyageurs pourraient économiser grâce à cette mesure. Le loyer des plus gros aéroports, comme Montréal, Toronto ou Vancouver, correspond à 12% de leurs revenus. Soulagés de cette dépense, ils pourraient réduire les frais d'amélioration aéroportuaires facturés aux passagers. Ou réduire les frais imposés aux transporteurs... en espérant que ceux-ci transmettent l'économie à leur clientèle.

Serait-ce assez pour ramener les Canadiens? C'est peu probable. L'ensemble des taxes, frais et redevances imposés ici (dont le loyer aéroportuaire ne constitue qu'une partie) représente de 15% à 33% seulement de la différence de prix moyenne entre un vol canadien et américain. Et c'est sans compter d'autres avantages, comme le stationnement - 5$ par jour maximum à Plattsburgh!

Autoproclamée «l'aéroport américain de Montréal», cette ancienne base militaire de l'État de New York a poussé l'insolence jusqu'à commanditer la dernière assemblée annuelle de l'Association du transport aérien du Canada. Oui, c'est agaçant. Mais ça ne justifie pas de faire n'importe quel changement sans se soucier du résultat.

Les loyers aéroportuaires ont rapporté près de 2,7 milliards de dollars à Ottawa depuis 10 ans. Les abolir pourrait faire baisser les prix des billets, attirant davantage de passagers, avec les retombées économiques que cela suppose. Suffisamment pour récupérer des recettes fiscales équivalentes? On demande à voir.

Cela dit, le gouvernement fédéral devrait imposer un véritable loyer aux aéroports, au lieu de son actuel pourcentage des revenus, qui a tout d'une taxe déguisée. Le Trésor y perdrait un peu au change, mais le système gagnerait en cohérence. Plus un aéroport réussirait à attirer de passagers, plus la portion de cette charge fixe refilée à chacun d'entre eux serait petite.

Et avant d'aller plus loin, Ottawa devrait suivre la première recommandation du rapport sénatorial: se doter d'une stratégie nationale. L'objectif du comité (accroître le trafic aérien) devra toutefois être raffiné. Amener plus d'étrangers ici, d'accord. Inciter les Canadiens à visiter leur pays, pourquoi pas. Mais si l'on se contente de ravir des parts de marché aux autres modes de transport, ou qu'on s'épuise à concurrencer des aéroports américains jouissant d'avantages démesurés, on n'aura pas fait grand-chose d'utile.

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