Ça suffit! Ce message envoyé par un juge américain aux banquiers délinquants et aux régulateurs trop accommodants a fait le tour du monde. Espérons que d'autres l'imiteront.

La Securities and Exchange Commission (SEC) reproche à Citigroup d'avoir leurré les investisseurs sur la composition d'un de ses fonds, en prétendant que les titres avaient été choisis par un expert indépendant. Dans les faits, elle y avait fourré un lot de canards boiteux sur lesquels elle avait pris des positions à découvert. L'astuce lui a rapporté quelque 160 millions de profits nets. Les investisseurs, eux, ont perdu plus de 700 millions.

Citigroup a accepté de verser 285 millions à la SEC «sans admettre ni nier les allégations». Une formule cousue de fil blanc qui figure depuis des décennies dans ce type d'entente. Pas cette fois, a tranché le juge Jed Rakoff, de la Cour fédérale. «Dans tous les cas comme celui-ci, qui touchent la transparence des marchés financiers dont les girations ont tellement déprimé notre économie et miné nos vies, connaître la vérité est d'un intérêt public capital», conclut-il dans sa décision rendue la semaine dernière.

Pour peu, on applaudirait. M. Rakoff n'est pas le seul indigné de l'impunité des magouilleurs de Wall Street. La différence, c'est que lui a le pouvoir d'intervenir. Et que contrairement à la plupart de ceux qui ont ce pouvoir, il a décidé de s'en servir. Le jugement proposé n'est ni équitable, ni raisonnable, ni adéquat, ni dans l'intérêt du public, souligne-t-il.

Une gifle pour la SEC. D'autant que le rejet de l'entente est bien plus problématique pour elle que pour Citigroup. La SEC est abonnée à ces arrangements parce qu'elle n'a pas les moyens de poursuivre les poids lourds de la finance. Mais si ceux-ci acceptent de cracher des millions, ils ne crachent pas le morceau. Ils refusent tout aveu de responsabilité, afin de ne pas donner des minutions aux investisseurs qui les poursuivent.

Pratique, mais peu glorieux. Souvenez-vous des 2 millions de dollars que les fondateurs de Cinar avaient accepté de verser en 2002, à condition de n'admettre aucun fait ni aucune culpabilité. Ç'avait beau être une amende record, c'était aussi une insulte à l'intelligence. Aujourd'hui, heureusement, l'Autorité des marchés financiers préfère aller devant les tribunaux. Son équivalent ontarien devrait y réfléchir à deux fois avant de permettre les «règlements à l'amiable sans contestation», comme il l'envisage en ce moment.

La SEC tentera sans doute d'arracher une entente plus acceptable à Citigroup. Si elle réussit, ce sera déjà une victoire pour le juge Rakoff. Et, espérons-le, une source d'inspiration pour d'autres.

Car les règlements pour infractions présumées aux lois sur les valeurs mobilières conclus depuis 15 ans n'ont pas eu grand effet dissuasif. Selon le New York Times, 19 firmes ont récidivé. Dont six fois pour les sociétés reliées à Citigroup.

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