Nos règles sur la propriété intellectuelle des médicaments entraînent des dépenses faramineuses devant les tribunaux, dénonce un chercheur en économie de la santé. L'industrie des médicaments d'origine et les fabricants de génériques le reconnaissent, mais c'est bien là le seul point sur lequel ils s'entendent.

La réglementation canadienne est trop complexe, dit Paul Grootendorst, de la Faculté de pharmacie de l'Université de Toronto. Un système à plusieurs portes d'entrée qui coûte plus de 100 millions de dollars en litiges par an, estime-t-il dans une analyse publiée cette semaine dans le Journal de l'Association médicale canadienne. Des coûts que les contribuables assument à leur insu.

La période d'exclusivité durant laquelle une société pharmaceutique est la seule à pouvoir vendre son nouveau médicament est régie par trois séries de règles dotées de normes juridiques contradictoires. Résultat? Pour déterminer qui, de l'innovatrice ou du générique, a raison, il faut souvent recourir aux tribunaux. Ça coûte une fortune en frais d'avocats. «Des coûts qui sont inévitablement refilés aux régimes d'assurance médicaments et aux consommateurs», note le chercheur.

Et c'est sans compter les coûts pour le système de justice. Au moins neuf causes sur la propriété intellectuelle des médicaments sont montées jusqu'en Cour Suprême depuis 20 ans. Des magistrats de divers tribunaux ont d'ailleurs dénoncé la lourdeur du système actuel, qui les ensevelit sous des masses invraisemblables de documentation scientifique.

Il faut simplifier le système, plaide Paul Grootendorst. Il suggère plusieurs avenues, dont une période d'exclusivité prédéterminée pour les nouvelles molécules, et l'abolition d'une des trois couches réglementaires. Des idées qui méritent d'être considérées. On se demande toutefois quel gouvernement aura le courage de mettre le doigt entre l'arbre et l'écorce.

L'industrie du médicament d'origine accuse les génériques d'utiliser les tribunaux pour invalider les brevets plus rapidement, alors que ces derniers affirment que la lourdeur du processus retarde la mise en marché de médicaments génériques. À se demander si chacun n'y trouve pas son compte...

Les deux parties, évidemment, se drapent dans l'intérêt public. La première défend l'importance de financer la recherche, source d'emplois et de nouveaux traitements. La seconde fait valoir la baisse du prix des médicaments.

L'association des génériques évoque le cas du Lipitor, dont Apotex a obtenu la mise en marché 12 ans avant l'expiration du dernier brevet, permettant des économies de 700 millions par an. Mais pour son vis-à-vis, qui représente les détenteurs de brevets, il est absurde de faire avancer les politiques de santé devant les tribunaux.

Pour l'instant, les questions de médicaments s'embourbent plus qu'elles n'avancent devant nos tribunaux. Ottawa doit y voir. D'autant que les négociations de libre-échange avec l'Union européenne risquent de rajouter des exigences réglementaires.

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