Le plus haut tribunal du pays s'est rendu à l'évidence. La clinique d'injection supervisée Insite a des effets bénéfiques réels dont un ministre de la Santé n'a pas le droit de priver ses usagers. Une défaite pour le gouvernement conservateur et, surtout, une victoire pour la santé publique.

Le centre vancouverois sauve des vies et en huit ans d'existence, il n'a pas nui à la sécurité et à la santé publiques, souligne la décision publiée vendredi. «Priver la population qu'Insite dessert des services qu'il offre et l'augmentation corrélative du risque de décès et de maladie pour les consommateurs de drogues injectables sont exagérément disproportionnés par rapport aux avantages que le Canada pourrait tirer d'une position uniforme sur la possession de stupéfiants», conclut la Cour Suprême.

Insite, rappelons-le, est né en réaction à un désastre sanitaire sans précédent au Canada, et non pour promouvoir la toxicomanie. Le projet a germé à la fin des années 90, après la déclaration d'un état d'urgence en santé publique dans le Downtown Eastside. Ce quartier ravagé par la pauvreté et la toxicomanie venait d'être frappé coup sur coup par des épidémies de VIH/sida et d'hépatite C, en plus des cas de surdoses, d'infections de la peau et d'infections transmises par le sang qui augmentaient de façon alarmante. Dire qu'il fallait faire quelque chose est un euphémisme.

Insite est la meilleure réponse trouvée jusqu'ici. Oui, il serait 1000 fois préférable d'affranchir ces toxicomanes de leur dépendance, et d'éviter à quiconque de sombrer dans cet enfer. Sauf que la méthode pour y arriver, personne ne l'a encore trouvée. Surtout pas les obsédés de la lutte aux drogues, dont le combat est un échec lamentable depuis des décennies.

Fallait-il pour autant rester les bras croisés? Vancouver et la Colombie-Britannique ont décidé que non. Pariant sur une approche dite de «réduction des méfaits», ils ont créé un lieu où les utilisateurs de drogues injectables peuvent s'administrer leur dose dans des conditions salubres et sécuritaires, en présence de professionnels de la santé. Résultat? Le taux de mortalité par overdose a chuté de 35% dans un rayon de 500 mètres du centre, rapportait la revue médicale The Lancet au printemps.

Le temps nous dira si cette formule peut avoir d'autres effets bénéfiques, en réduisant la transmission du VIH et de l'hépatite C par exemple, ou en faisant augmenter les cas de désintoxication réussie. Mais déjà, Insite a fait la preuve de son utilité. Assez, en tout cas, pour qu'Ottawa soit obligée de lui accorder l'exemption dont elle a besoin pour rester ouverte, conclut la Cour Suprême.

Le ministre québécois de la Santé disait attendre ce jugement avant de se prononcer sur les centres proposés à Montréal et à Québec. Vendredi, pourtant, il n'y avait toujours pas moyen de savoir où loge Yves Bolduc. Décevant. Il y aurait pourtant tellement à dire sur ce sujet.

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