Le géant de la recherche internet Google n'a pas lésiné sur les zéros pour mettre la main sur le fabricant de téléphones cellulaires Motorola Mobility Holdings. Un geste audacieux qui pourrait l'amener très loin, ou l'embourber pour longtemps.

Douze milliards et demi de dollars comptant. C'est la somme faramineuse que Google est prête à payer pour devenir un poids lourd de l'industrie du sans fil. Elle en a les moyens, puisque ce montant ne représente que le tiers des liquidités dont elle dispose. Mais 40$ l'action, c'est très cher payé. Une prime de 63% par rapport au prix de clôture de vendredi dernier, et de 79% par rapport à celui du 29 juillet, la première séance qui a suivi la publication de résultats trimestriels décevants.

On voit jusqu'où Google est prête à aller pour protéger et développer son système d'exploitation Android. Cette acquisition, si elle reçoit l'aval des actionnaires et des autorités réglementaires, permettra à la société de Mountain View de devenir propriétaire des quelque 17 000 brevets détenus par Motorola Mobility. Des munitions qui l'aideront à se défendre contre ce que le responsable des affaires juridiques a récemment qualifié de «campagne organisée contre Android par Microsoft, Oracle, Apple et d'autres». Et qui dissuaderont sans doute d'autres entreprises de la poursuivre. Les économies potentielles sont considérables. Mais le coût humain et organisationnel de l'opération l'est tout autant.

Intégrer une grosse acquisition est un processus laborieux, et même risqué, pour n'importe quelle entreprise. Mais entre la californienne techno et le fabricant octogénaire de l'Illinois, le choc culturel s'annonce monumental. Les deux ne sont pas étrangers puisque Motorola est un utilisateur de longue date d'Android. Mais ses 19 000 employés vont grossir les rangs de Google de 66% d'un coup. Et cette dernière n'a aucune expérience dans la conception, la production, la commercialisation et la distribution d'appareils sans fil à grande échelle, un marché extrêmement concurrentiel où la technologie n'est rien sans le design.

Évidemment, cette acquisition recèle un immense potentiel pour le système Android, notamment en matière publicitaire, la grande force de Google, mais aussi dans le segment émergent des transactions sans fil, qu'elle convoite ardemment. Toutefois, elle pourrait aussi de lui faire perdre des parts de marché.

Le chef de la direction de Google a beau promettre qu'Android demeurera un système ouvert et que Motorola sera géré comme une entité distincte, les autres fabricants qui ont misé sur Android ne verront pas nécessairement la chose du même oeil. Les concurrents de Motorola comme HTC ou Samsung ne claqueront pas la porte demain matin, mais cette transaction va les rendre drôlement réceptifs à d'autres propositions.

L'enjeu n'est pas négligeable. Le système Android est actuellement le plus utilisé dans les téléphones dits intelligents aux États-Unis - 39% des appareils roulent là-dessus. Apple, le plus proche concurrent, ne détient que 28% du marché, indiquent les plus récentes données de la firme Nielsen. Reste à voir si Microsoft, qui vivote à moins de 10%, saura profiter de la brèche.

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