On ne sait pas encore qui, de l'humain ou de la machine, est vraiment responsable de l'écrasement du vol AF447, dans lequel 228 personnes ont perdu la vie en juin 2009. Et même si on finit par le déterminer, le doute risque de subsister.

On ne sait pas encore qui, de l'humain ou de la machine, est vraiment responsable de l'écrasement du vol AF447, dans lequel 228 personnes ont perdu la vie en juin 2009. Et même si on finit par le déterminer, le doute risque de subsister.

Le troisième rapport d'étape du Bureau d'enquête et d'analyses pour la sécurité de l'aviation civile (BEA) est de loin le plus précis, puisqu'il s'appuie sur les boîtes noires repêchées ce printemps. Pourtant son contenu, ou plutôt ce qu'il ne contient pas, suscite une vive controverse.

Une recommandation portant sur le fonctionnement erratique de l'alarme de décrochage a été retirée quatre jours avant la publication, ont révélé deux quotidiens français cette semaine.  

L'association des familles des victimes et le syndicat national des pilotes sont outrés. Ils redoutent qu'on accable l'équipage pour exonérer l'avionneur Airbus de toute responsabilité.

La situation était rattrapable, puisqu'elle l'a été des dizaines de fois, avait en effet indiqué le directeur du BEA en conférence de presse. Alors pourquoi les pilotes de l'A330 n'y sont-ils pas parvenus? L'alarme aurait-elle faussé leur jugement?

Le «projet de recommandation» a été retiré parce qu'il est prématuré, s'est défendu le BEA, en ajoutant que deux comités approfondiront la question. Ce qui n'a pas empêché la direction d'Air France de signaler la situation par écrit à l'Agence européenne de sécurité aérienne.

Il ne faut pas oublier les autres éléments, dont l'absence de réaction adéquate des pilotes durant les 54 premières secondes de l'alarme de décrochage, et le fait qu'ils n'étaient pas entraînés à faire face à ce type de situation à haute altitude. Mais force est de reconnaître qu'il ne manque pas non plus de motifs pour alimenter les soupçons.

La compétence du personnel de BEA n'est pas en cause. Le fait que l'agence relève du ministère des Transports d'un État actionnaire à la fois d'Airbus et d'Air France, par contre, donne prise aux critiques sur son indépendance. Qu'elle soumette ses rapports aux parties intéressées avant de les modifier, au lieu de mettre leurs commentaires en annexe comme le fait, par exemple, le vérificateur général du Québec, ne contribue pas non plus à sa crédibilité.

Le facteur le plus important, toutefois, est hors de son contrôle. Même si son enquête n'établit pas de faute ou de responsabilité, comme le BEA le souligne deux fois plutôt qu'une dans son rapport, ses conclusions referont surface au procès pénal où Airbus et Air France sont mises en cause. Outre les indemnités aux victimes, c'est la réputation, et donc la rentabilité de ces sociétés, qui est en jeu. Les implications financières sont énormes.

Le BEA remettra son rapport final d'ici la fin juin 2012. Il a intérêt à fournir une explication satisfaisante sur le rôle de l'alarme de décrochage dans ce tragique événement. Il en va de sa crédibilité, indispensable à l'amélioration de la sécurité aérienne.

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