Grâce aux pays émergents, qui contestent les prétentions européennes, la course à la direction du Fonds monétaire international s'annonce plus corsée qu'à l'habitude. Les traditions, toutefois, ont la vie dure.

Grande-Bretagne, Allemagne, Italie, Pays-Bas: les appuis se multiplient en faveur de Christine Lagarde. La ministre française de l'Économie pourrait être désignée candidate officielle de l'Europe dès cette semaine, à la réunion du G8.

Ceux qui réclament la fin de la mainmise européenne sur le FMI sont loin d'être aussi organisés. Comme l'a fait remarquer avec justesse l'ex-ministre des Finances sud-africain Trevor Manuel, il faudrait que les pays émergents s'entendent sur un candidat commun.

Ç'aurait pu être l'ex-ministre de l'Économie turc Kemal Dervis, avantagé par sa proximité avec l'Europe. Il a décliné. Les candidats originaires de l'Inde et de Singapour ne font pas consensus en Asie. Ni Trevor Manuel sur le continent africain. Le Mexique favorise le gouverneur de sa Banque centrale, des États de l'ex-URSS penchent pour celui du Kazakhstan et en Chine, on évoque le nom de l'ex-vice-gouverneur de la Banque populaire. Le Brésil, lui, est prêt à appuyer un candidat... européen.

Ces voix, bien que cacophoniques, méritent d'être entendues. Le monde a changé depuis la création du FMI, au sortir de la Seconde Guerre mondiale. L'Europe est encore là, mais il faut désormais compter avec la Chine, l'Inde et le Brésil. Ce ne sont pas seulement leurs économies qui émergent. Leurs élites aussi peuvent prétendre aux plus hautes fonctions.

Le groupe du G20 sur la réforme du FMI réclamait justement ce week-end «la nomination de la personne la plus compétente au poste de directeur, sans tenir compte de sa nationalité».

Sauf que le mérite est aussi fonction du point de vue. Les noms qui circulent ont tous une solide feuille de route, Christine Lagarde ne fait pas exception. Est-elle la meilleure candidate pour le poste? Le G8 et les pays émergents répondront différemment pour les mêmes raisons: elle est européenne, française de surcroît.

Les États-Unis, principaux contributeurs au FMI, ont diplomatiquement promis de soutenir un candidat d'expérience, ayant du leadership et un large appui. Si plusieurs peuvent prétendre à ces qualités, seule l'Europe est en mesure de remplir la commande rapidement, comme l'a réclamé Washington.

Le seul véritable obstacle qui se dresse encore sur la route de Mme Lagarde est cette possibilité d'enquête sur sa gestion de l'affaire Tapie. On ne sera peut-être fixé qu'après la date limite du dépôt des candidatures au FMI. L'Europe regrettera-t-elle son choix?

Chose certaine, si les pays émergents ne réussissent pas à se faire entendre cette fois-ci, ils hausseront davantage le ton à la prochaine occasion. Et leur pertinence économique sera de plus en plus difficile à ignorer.

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