La mise à l'encan de milliers de brevets détenus par Nortel est un triste rappel de sa gloire passée. D'autant plus que la valeur stratégique de ce type de propriété intellectuelle ne cesse de s'accroître, comme en témoignent les 900 millions offerts par Google.

Ces quelque 6000 brevets et demandes de brevet constituent le dernier morceau de choix restant sur la carcasse de Nortel. Mais il est un peu tard pour s'élever contre ce dépeçage. C'est avant, lorsque la société licenciait par milliers, que sa comptabilité déraillait et que ses dirigeants se succédaient à un rythme effarant en empochant des primes faramineuses, qu'il aurait fallu s'inquiéter. Se demander si l'on pouvait se permettre de perdre une entreprise de cette envergure. Et réagir en conséquence.

Aujourd'hui, plus de deux ans après la mise à l'abri des créanciers, le vide laissé par le géant des télécoms est plus évident que jamais. Et à moins que l'ontarien RIM (mieux connu sous sa marque BlackBerry) ne remporte l'enchère, les brevets développés à grand renfort de crédits d'impôt aboutiront probablement entre des mains étrangères.

Même si cette liquidation ordonnée n'émeut pas autant que, disons, une offre hostile sur le leader mondial de la potasse, une réflexion s'impose. La propriété intellectuelle est une ressource non renouvelable de grande valeur. Le Canada devrait se doter d'orientations claires pour ne pas être pris au dépourvu devant de telles transactions.

Certes, ce n'est pas tous les jours qu'un portefeuille de cette envergure est mis en vente. Mais la question va se poser de nouveau, c'est certain. Le brevet est une devise de plus en plus convoitée, en particulier dans le secteur des hautes technologies.

C'est d'ailleurs pourquoi Google a accepté de faire la mise de départ officielle, alors qu'on se serait attendu, dans un processus d'enchère, à ce qu'elle cache son jeu jusqu'à la dernière minute. Son offre de 900 millions est en fait très stratégique. C'est un avertissement à tous ceux qui envisagent de la poursuivre en vertu de leurs propres brevets. «Une des meilleures défenses contre ce genre de litige est (ironiquement) d'avoir un formidable portefeuille de brevets», a fait valoir l'avocat-conseil de Google.

Ces brevets de télécom aideraient à soutenir sa plateforme pour téléphones intelligents Android. Et surtout, ils lui donneraient matière à contre-attaquer les entreprises technos qui la traînent en justice. Une sorte de police d'assurance juridique pour réduire le nombre de litiges ou, à tout le moins, en faciliter le règlement.

Plusieurs autres sociétés, dont Ericsson, Nokia, Alcatel-Lucent, HTC ou Apple, risquent aussi d'être intéressées. Selon des spécialistes de l'industrie, la mise pourrait grimper jusqu'à 2 milliards.

Combien Google est-elle prête à allonger pour gagner cette enchère? Difficile à dire. Seule certitude: le Canada, lui, aura bientôt tout perdu.

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