La poule aux oeufs d'or ne vit pas seulement en studio. Il y en a une devant chaque téléviseur alimenté par câble ou par satellite, prête à donner davantage si on la bouscule un peu. C'est en tout cas l'impression qui se dégage de la nouvelle politique sur les redevances du Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes (CRTC). Dès que les télés généralistes auront convenu d'un tarif avec les distributeurs, ceux-ci pourront le refiler à leurs abonnés, qui n'auront pas un mot à dire. Ça ne peut pas se passer comme ça.

À force de se plaindre de la diminution de leurs revenus publicitaires, les réseaux privés comme TVA et CTV ont fini par obtenir le même privilège que les chaînes spécialisées: s'asseoir avec les câblodistributeurs et les fournisseurs de services par satellite et négocier des redevances pour leurs signaux. On reconnaît ainsi que leur programmation, qui a toujours été relayée gratuitement, a une valeur. Et, donc, qu'il faut la payer. Le principe se défend... à condition de pousser la logique jusqu'au bout. Le client doit pouvoir acheter les chaînes généralistes qui l'intéressent, comme il le fait avec les spécialisées. Autrement, ça frise l'extorsion.

Imaginez un câblo qui obligerait tous ses abonnés, même ceux qui n'aiment pas les sports ou ne parlent pas anglais, à payer 1$ par mois pour RDS ou CNN. Abusif, non? C'est pourtant ce qui se passera avec V, CTV et les autres réseaux lorsqu'ils se seront entendus sur les redevances. À moins que le réseau ait accepté que son signal soit offert de façon facultative, l'abonné devra payer pour, qu'il le regarde ou non. C'est inadmissible.

Que le CRTC garde ses distances et force les acteurs de l'industrie à s'entendre entre eux, passe encore. Mais il y a des limites à s'en laver les mains. Le Conseil n'a pas le mandat de livrer le consommateur pieds et poings liés aux entreprises. Il aurait dû leur fournir une marge de manoeuvre à eux aussi, en leur permettant de payer seulement pour les réseaux qui les intéressent.

Les hausses de prix ne feront pas chuter le nombre d'abonnés, affirme le CRTC. Sans doute, mais ça ne veut pas dire qu'ils les acceptent. Ça montre seulement à quel point ils n'ont pas le choix. Car à moins de s'adonner au piratage, il n'existe pas de solution équivalente au câble ou au satellite. Le web a beau offrir de plus en plus de contenus télé, le téléspectateur n'y trouvera pas nécessairement, ou aussi aisément, ses émissions préférées.

Le CRTC a considéré les abonnés comme un élevage passif, et captif. Son seul souci a été de voir si on pouvait en extraire plus de revenus, sans se demander si la méthode employée était acceptable. Sauf que les consommateurs ne sont pas des poules. Ils sont capables de s'exprimer. Depuis 36 heures, ils répètent le même message sur toutes les tribunes: ne nous forcez pas à payer pour ce qu'on ne veut pas regarder. Ont-ils été entendus?

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