Après la cigarette et l'obésité, l'OMS s'attaque à un autre enjeu de santé publique: l'alcool. Une intervention qui s'annonce délicate.

Premier problème: l'alcool n'en est pas un en soi. Si la nocivité de la cigarette est indéniable, la dangerosité de l'alcool dépend de la quantité consommée, et du buveur. L'Organisation mondiale de la santé parle donc plutôt de «réduire les effets nocifs de l'alcool».

 

Comme le montre le dossier de notre collègue Mathieu Perreault, publié aujourd'hui, les effets nocifs dépassent largement la santé du buveur. Le concept d'alcool passif, par analogie avec la fumée de cigarette, relève plus du marketing que de la science. Personne, à part un foetus, n'est forcé d'absorber de l'alcool secondaire. Mais l'expression illustre bien les dommages collatéraux. Bébés marqués par le syndrome d'alcoolisme foetal, accidentés de la route, victimes de bagarres de rue, conjoints et enfants d'alcooliques, tous payent de leur santé physique et mentale, parfois même de leur vie, le prix des excès d'autrui.

On se flatte souvent, au Québec, de boire «mieux» que nos voisins. C'est vrai, nous aimons plus le vin et sommes moins portés sur l'alcool fort qu'ailleurs au Canada. Mais quand on convertit cette consommation en alcool pur, on ne peut plus prétendre à la modération. Vin, bière et spiritueux confondus, le Québécois moyen boit l'équivalent de 8,1 litres d'alcool pur par an. C'est pratiquement la moyenne nationale (8,2 l). Et les données historiques nous forcent à la modestie. De 1988 à 2008, notre consommation par habitant a diminué de 5%. Les Ontariens, pendant ce temps, ont réduit la leur de 23%. Évidemment, ils partaient de loin. N'empêche qu'aujourd'hui, ils boivent pas mal plus modérément que nous - 7,7 l d'alcool pur par personne.

Bref, notre supériorité est bien illusoire. Les récits que vous pouvez lire dans nos pages en témoignent: culture distincte ou pas, les Québécois ne sont pas immunisés contre les problèmes d'alcool.

La science a beaucoup progressé, mais il lui manque encore bien des réponses. Or, tant qu'on n'est pas fixé sur les facteurs et les conditions qui rendent la consommation problématique, on peut difficilement faire de la prévention efficace. À quoi bon imposer des mesures spectaculaires si elles n'améliorent pas la situation? Interdire l'alcool avant 21 ans, ou même 25 ans, est une idée séduisante pour certains, mais c'est une démission complète de l'éducation à une consommation progressive, modérée et conviviale, qui devrait se faire dans le cadre familial.

Dans l'état des connaissances actuelles, la meilleure chose que les autorités de santé publique peuvent faire, c'est de promouvoir la dissociation. C'est ce qui a été fait, avec beaucoup de succès, pour l'automobile: si vous buvez, ne conduisez pas. On devrait appliquer la stratégie à d'autres domaines, comme les responsabilités familiales ou les comportements sexuels à risque.

 

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