Oubliez l'élargissement de l'accès, l'amélioration de la couverture ou la réduction des coûts. Aux États-Unis, le débat sur la santé a déserté le terrain de la raison pour se transporter sur celui de la menace et de la peur. Un terrain pas mal plus glissant, pour lequel Barack Obama n'a pas d'aptitudes naturelles.

La sortie de Sarah Palin sur les «comités de la mort» est d'une mauvaise foi scandaleuse mais en matière de détournement de débat, c'est une réussite éclatante. Difficile de convaincre la population que votre réforme va améliorer l'accès aux soins quand une partie de celle-ci est convaincue que vous complotez pour débrancher les petites vieilles et les infirmes! La déclaration a beau avoir été démolie sur toutes les tribunes, le président Obama a dû passer la semaine à s'expliquer là-dessus. Et la section du projet de loi qui a donné lieu à cette interprétation délirante ne figurera probablement pas dans la version finale, a indiqué hier la secrétaire aux Services de Santé, Kathleen Sebelius. Les promoteurs de la réforme ont compris qu'il n'y avait pas de risque à prendre. Une peur irrationnelle n'est pas soluble dans le raisonnement.

 

Obama ne manque pas de bons arguments. Mais ils n'ont pas nécessairement le poids qu'on leur accorde chez nous. Plus de 46 millions d'Américains n'ont pas d'assurance maladie. Vu d'ici, le chiffre est ahurissant - c'est plus que la population du Canada au complet. Mais à l'échelle américaine, c'est moins d'une personne sur sept. Si vous n'êtes pas dans cette situation, c'est une donnée parmi d'autres dans votre réflexion. Vous risquez davantage de vous demander si vous pouvez garder votre couverture actuelle.

Le président ne cesse de le répéter: ceux qui sont satisfaits de leur police d'assurance pourront la garder. Logique, le gouvernement ne va pas choisir un assureur à la place du citoyen. Ce qui n'a pas empêché les opposants d'entreprendre une campagne de peur sur ce terrain-là aussi. Et ils n'ont pas tout à fait tort. Car la réforme, même si elle ne dicte pas avec qui faire affaire, incitera sans doute des entreprises à délaisser leur régime actuel. Or, ce n'est pas seulement leur couverture que les assurés risquent de perdre, mais leur médecin, auquel leur prochain assureur ne leur donnera pas nécessairement accès. Pour certains patients, comme les personnes âgées et les malades chroniques, c'est une perspective très inquiétante. Et aucun raisonnement n'y pourra rien changer.

Les défenseurs de la réforme rappellent que cela se produit déjà puisqu'il arrive régulièrement que des entreprises changent d'assureur. Ils ont raison. Sauf que ça ne rassurera personne.

Barack Obama parle constamment de ces chômeurs qui s'inquiètent de ne plus être assurés, et de ces assurés qui se voient refuser des soins. Qu'attend-il pour donner les détails de ces cas tragiques? Le pathos n'est peut-être pas son style, mais c'est sur ce terrain-là que le débat va se gagner.

 

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