La police de Kingston vient de confirmer ce qu'elle soupçonnait depuis le début: les quatre Montréalaises d'origine afghane repêchées dans le canal Rideau il y a trois semaines ne sont pas mortes accidentellement. Elles auraient été assassinées par leur famille immédiate. Quels que soient les motifs, ils ne sauraient justifier, ni même mettre en perspective, un acte aussi abject.

Les enquêteurs n'ont pas voulu qualifier ce quadruple meurtre de «crime d'honneur», mais ils n'ont pas hésité non plus à alimenter les spéculations. Le premier policier qui a pris la parole en conférence de presse a longuement souligné que dans notre pays, ces femmes avaient le droit de vivre sans peur et en sécurité, tout comme d'exercer leur liberté de choix et d'expression.

 

On a affaire à un drame familial dans le sens le plus asphyxiant du terme. La prétendue tante de 52 ans était en fait la première femme du père des trois autres victimes. Cet homme, de même que sa femme officielle (la mère des trois adolescentes) et leur fils de 18 ans font face à de très lourdes accusations. Quatre chefs de meurtre prémédité et quatre autres de complot pour meurtre.

Laissons la justice décider de la responsabilité de ces présumés meurtriers. Mais qu'elle se fonde sur les faits, et ne se laisse pas distraire par les arguments culturels ou religieux. On ne doit pas confondre motifs et raisons. Suggérer qu'un père et une mère puissent avoir des raisons d'assassiner leurs enfants est un non-sens et une insulte aux victimes.

Afghanes ou non, ces quatre femmes-là avaient le droit de vivre, autant que n'importe qui d'autre ici. Faut-il rappeler qu'il n'y a pas, chez nous, de crime plus répréhensible que tuer une autre personne de sang-froid? Le geste nous fait tellement horreur que nous avons aboli la peine de mort. Et cette règle-là vaut pour tous. Personne, pas même un chef de famille, ne peut y substituer son système de valeurs maison.

On en a eu la confirmation au printemps à Ottawa, lorsque la Cour supérieure de l'Ontario a condamné un homme d'origine afghane à la prison à vie sans possibilité de libération conditionnelle avant 25 ans. Le jeune homme avait tué sa soeur et le fiancé de celle-ci parce qu'il désapprouvait leur relation. Le juge, heureusement, n'a pas accordé de traitement de faveur à ce «crime d'honneur».

Même si les tribunaux tiennent le fort, ces homicides particuliers nous posent de sérieux défis. Une sentence, aussi sévère soit-elle, ne règle pas grand-chose. Elle ne ramène pas les victimes à la vie. Il n'est même pas sûr qu'elle ait un effet dissuasif et réussisse à prévenir d'autres gestes semblables. Si vous êtes prêt à tuer un être cher pour laver l'image de votre famille, la perspective d'aller en prison ne vous impressionne peut-être pas beaucoup.

En revanche, chacun de ces meurtres envoie un message très fort aux victimes d'oppression. Ils leur rappellent que les menaces faites à leur endroit ne sont pas à prendre à la légère. Pour triompher de cet obscurantisme, il faut envoyer un message encore plus fort: ici, ce sont nos lois qui comptent, nous allons vous protéger. Malheureusement, nous n'y parvenons pas toujours. Si nous tenons à nos valeurs, nous devons mettre plus d'efforts là-dessus.

akrol@lapresse.ca

 

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