Le site de réseautage social Facebook suscite encore la controverse. Et cette fois, c'est le Canada qui le met sur la sellette. La société californienne contrevient aux exigences fédérales en matière de protection des renseignements personnels, dénonce la commissaire à la protection de la vie privée. La menace de poursuite convaincra-t-elle le réseau d'amender ses pratiques? C'est loin d'être acquis.

La commissaire Jennifer Stoddart dénonce deux lacunes importantes. D'abord l'accès aux renseignements personnels des utilisateurs par les développeurs qui offrent des jeux, des questionnaires et d'autres applications sur Facebook (FB). Ensuite la conservation de ces renseignements après qu'un usager eut quitté le réseau.

 

Les utilisateurs de FB savent qu'en installant une application, ils permettent à l'entreprise qui l'offre de consulter leur profil. Ce que plusieurs ignorent, c'est qu'ils donnent en même temps accès aux profils de leurs amis... qui ne seront jamais informés de la visite de ces tierces parties. Une contradiction flagrante avec notre Loi sur la protection des renseignements personnels et les documents électroniques, dans laquelle le contrôle, la connaissance et le consentement jouent un rôle central.

Le Canada a aussi des règles pour encadrer la conservation des renseignements personnels. Et la façon dont Facebook gère les comptes désactivés et ceux des usagers décédés n'est pas satisfaisante, juge Mme Stoddart. Elle n'est pas la seule. Beaucoup d'ex-membres s'indignent de ne pas avoir plus de contrôle sur les informations qu'ils ont affichées en ligne.

La commissaire a demandé plusieurs changements. Par exemple, qu'un développeur ait seulement accès aux informations dont il a besoin pour faire rouler son application. Et uniquement sur le profil de l'usager qui l'installe - et non sur ceux de tous ses amis, à leur insu. FB a refusé.

L'entreprise a donc reçu un ultimatum de 30 jours, après quoi le commissariat pourra la poursuivre en Cour fédérale. Mais on sent que le coeur n'y est pas. Ce n'est pas un problème de juridiction. FB a beau être américaine, ses 12 millions d'utilisateurs canadiens justifient amplement une intervention fédérale. Sauf que ce n'est pas dans la culture de la maison. Le commissariat traîne rarement les contrevenants devant les tribunaux, préférant de beaucoup s'entendre avec eux.

L'organisme espère donc que les problèmes se régleront d'eux-mêmes avec la prochaine politique de vie privée de FB, promise pour bientôt. «Nous croyons que nos nouvelles mesures vont répondre à toutes les préoccupations du commissariat», a répondu l'entreprise.

Rien n'est moins sûr. Le nouveau système présenté récemment par FB ne fait aucune mention de mécanismes informant l'utilisateur des renseignements qu'un développeur consulte dans son profil et de l'usage qu'il en fait, comme le réclame la commissaire.

Toutefois, l'entreprise n'a rien à gagner d'une poursuite qui braquera les caméras du monde entier sur ses pratiques de confidentialité. Et elle le sait. Il est donc possible qu'elle fasse des changements qui, sans répondre à toutes les demandes de la commissaire, soient assez significatifs pour la dissuader de recourir aux tribunaux. Ce sera à surveiller dans un mois.

 

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