Les victimes de Norbourg en avaient gros sur le coeur cette semaine, à l'annonce de la libération conditionnelle de Vincent Lacroix. Plusieurs n'en reviennent pas que les crimes qui lui sont reprochés ne soient pas considérés comme violents. Ils savent de quoi ils parlent. Les crimes économiques ont des conséquences brutales sur ceux qui les subissent.

En septembre 2005, Michel Vézina a dû reprendre son ancien métier de débosseleur. Un boulot exigeant, où l'on manipule des produits chimiques et où l'on doit travailler debout, à genoux et au sol. Quarante heures par semaine. Plus maintenant. À 70 ans, il n'en a plus la force. Il effectue des menus travaux comme des contrats de peinture, une quinzaine d'heures par semaine. Pas le choix. Tout l'argent de sa retraite a disparu dans le scandale Norbourg.

 

Des cas comme le sien, il y en a beaucoup. Cette gigantesque fraude de 115 millions de dollars a frappé quelque 9200 personnes, dont un grand nombre de retraités. La plupart ne sont pas sorties sur la place publique pour raconter leurs déboires. Plusieurs sont minées par la honte, comme si elles étaient responsables de ce qui leur arrive, alors que leurs placements n'avaient rien de téméraire.

Quelques investisseurs, heureusement, ont pris la parole au procès ou dans les médias. On se souvient de cette retraitée de 61 ans, forcée de s'exiler dans une autre région pour prendre un emploi à 9$ l'heure: sa tension artérielle et son taux de cholestérol ont grimpé en flèche, et elle s'est mise à faire du diabète. Et ce conseiller financier de Québec, qui avait lui aussi des problèmes de tension artérielle. On parle ici de séquelles bien tangibles, aussi concrètes que celles laissées par une agression physique.

À 66 ans, Réal Ouimet est obligé de travailler à temps plein lui aussi, comme responsable de la sécurité à Ski Bromont, «Heureusement que j'ai la santé. Mais combien de temps ça va durer?», nous a-t-il lancé. Aussi longtemps que nécessaire, c'est ce que nous lui souhaitons. Sauf qu'il touche au coeur du problème. Ce n'est pas seulement de l'argent qu'on a volé aux épargnants, mais de précieuses années de vie active. Des années de repos bien mérité, durant lesquelles ils ne devraient pas avoir à s'échiner, au risque de leur santé. Et on ne parle même pas de toute la colère, l'angoisse et la détresse psychologique qu'engendre cette situation.

Le crime économique n'est pas une infraction abstraite. C'est un délit qui a des impacts humains très graves. Il faut en prendre conscience. Ça ne freinera pas des gens comme Vincent Lacroix, qui n'a jamais manifesté grand sympathie pour les victimes. Les dirigeants, les corps policiers et les divers systèmes de surveillance, par contre, doivent se sentir interpelés.

Il ne suffit pas de protéger la réputation des marchés. Il faut d'abord penser aux individus qui y investissent leur avenir. Et pour limiter le nombre de victimes, il n'y a pas 36 solutions. Il faut miser sur la prévention, et intervenir rapidement. L'affaire Norbourg nous montre qu'il y a encore beaucoup de travail à faire de ce côté-là.

 

Qu'en pensez-vous? Exprimez votre opinion