Le temps n'est pas encore venu de relever le niveau d'alerte de la grippe A (H1N1), a décidé l'Organisation mondiale de la santé hier. Pourtant, les 193 pays réunis pour l'assemblée annuelle de l'OMS à Genève retiennent leur souffle. Car après une brève période d'accalmie, le dernier-né des virus grippaux est redevenu une source d'inquiétude majeure, dont on suit l'évolution pas à pas.

Le nombre de cas confirmés au Japon a bondi durant le week-end, passant de quatre vendredi à plus de 160 hier. Le virus semble se répandre par contamination locale plutôt que par un afflux de voyageurs. Or, c'est justement ce type de signal qu'attend l'OMS pour parler de pandémie: une transmission soutenue dans une région géographique autre que l'Amérique du Nord. On s'approche de plus en plus du sixième et dernier niveau d'alerte.

 

Pourtant, cette nouvelle grippe demeure pour l'instant assez bénigne. Surtout lorsqu'on la compare à la grippe saisonnière, qui tue environ un demi-million de personnes dans le monde chaque année. C'est que l'échelle de l'OMS sert à mesurer la transmission de la maladie, et non sa gravité.

Ce malentendu explique en grande partie pourquoi l'organisme et les médias ont été tellement critiqués depuis le passage au niveau d'alerte 5 il y a trois semaines. La catastrophe appréhendée n'a pas eu lieu. Sur presque 9000 cas confirmés, le virus a causé moins de 80 décès. Aurait-on été trop alarmistes? Nous ne sommes pas de cet avis.

Il est possible que le virus se résorbe de lui-même, reconnaissent les scientifiques. Mais il se peut aussi qu'il engendre une pandémie d'intensité limitée, comme la grippe asiatique de la fin des années 50. Ou qu'il mute et devienne nettement plus féroce. La nouvelle souche présente d'ailleurs une similitude inquiétante avec la grippe espagnole de 1918: elle fait beaucoup de victimes chez les enfants, les ados et les jeunes adultes. Bref, il est trop tôt pour baisser la garde, d'autant que la saison de la grippe démarre bientôt dans l'hémisphère sud.

Si nous sommes chanceux, nous pourrons conclure à l'usage que le virus était vraiment sans gravité, et qu'il nous a offert l'occasion d'une grande répétition générale. Une sorte d'exercice de grippe, comme les exercices d'incendie auxquels on se livre chaque année dans les édifices publics. On pourrait en tirer les mêmes avantages: éviter la panique et s'assurer que chacun fasse ce qu'il a à faire le plus efficacement possible. Autrement dit, développer les bons réflexes.

Vu sous cet angle, l'exercice de grippe se déroule plutôt bien. Les autorités sanitaires partagent l'information et la population garde son calme. Mais il reste des ajustements à faire. En particulier dans les milieux de travail, où les employés qui se présentent malades sont souvent mieux considérés que ceux qui restent à la maison. C'est une vision réductrice de la productivité, et qui risque de coûter très cher en cas de pandémie. Il va falloir apprendre à développer de nouveaux réflexes... et pas seulement celui de tousser dans son coude!

akrol@lapresse.ca

 

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