«Si tu veux tout, je te promets n'importe quoi», chante Éric Lapointe sur l'album Obsession. Seriez-vous plus enclin à l'acheter s'il était exempt de TVQ? Le gouvernement Charest semble convaincu que oui. C'est pourquoi il s'entête, contre toute logique, à abolir la taxe provinciale sur les produits culturels québécois. Une mauvaise idée dont l'application s'annonce cauchemardesque.

Comment peut-on prétendre soutenir la culture avec une mesure qui ne fera pas vendre un seul disque ou un seul billet de spectacle de plus? Car ce n'est pas en retranchant 7,5% sur le prix d'un CD québécois qu'on va convaincre le consommateur de se le procurer. Ni d'aller davantage au théâtre ou au musée. Ce geste inutile privera pourtant le Trésor public de 50 millions de revenus par an. Quelle absurdité!

 

«Au Québec, la culture n'est jamais un luxe. Elle est identitaire, elle est nécessaire», a déclaré Jean Charest en promettant cette mesure en campagne électorale. Mais pour exempter les produits culturels québécois, il faut pouvoir les identifier. Un album de Mes Aïeux, ça se passe de discussion. Un spectacle de danse contemporaine monté par une troupe locale aussi. Mais un disque de Céline enregistré à Las Vegas? Et qu'est-ce qu'un DVD québécois? Une coproduction se qualifie-t-elle? La ministre de la Culture a indiqué qu'un film étranger doublé chez nous serait admissible. Et un film d'action américain tourné à Montréal? Un jeu vidéo créé au Québec? On voit d'ici les méthodes de coupage de cheveux en quatre qu'il faudra développer pour trancher toutes ces questions. Les verdicts, forcément discutables, vont générer un lot impressionnant de frustrations.

Certains regroupements d'artistes, comme l'UDA ou le Mouvement pour les arts et les lettres (MAL), sont d'ailleurs très sceptiques. Si Québec est prêt à se priver de 50 millions en faveur de la culture, il ferait mieux d'investir cette somme dans des organismes de soutien à la création, comme la SODEC ou le Conseil des arts et des lettres, suggère le MAL. Une suggestion qui n'enthousiasme pas la ministre St-Pierre. La mesure doit profiter aux consommateurs, a-t-elle insisté.

Pourtant, rien ne garantit que les sommes libérées par l'abolition de la TVQ aboutiront dans vos poches. Lorsqu'Ottawa a réduit la TPS, plusieurs commerçants ont maintenu leurs prix et gardé la différence. On imagine très bien des cinémas, des magasins de disques ou des salles de spectacles faire la même chose. Pas tous, bien sûr. Mais pourquoi créer un système qui permet à l'industrie d'empocher un rabais destiné au public? C'est vraiment n'importe quoi.

Le retrait de la TVQ pourrait être pertinent dans certains cas très précis. Les artisans québécois sont facilement identifiables, vendent une grand partie de leur production sans intermédiaire et l'exemption serait pour eux un outil de marketing efficace, plaide le Conseil des métiers d'arts. Si les artisans, ou d'autres, peuvent en faire la démonstration, d'accord. Mais pour la plupart des secteurs, Québec devra trouver d'autres façons de mettre l'argent de la TVQ au service de la culture. Autrement, ce sera du gaspillage pur et simple de fonds publics. Et ça, notre identité québécoise peut très bien s'en passer.

 

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