«Le recrutement d'un scientifique de ce calibre est tout un exploit! Il est considéré comme l'un des principaux immunologues en santé humaine au monde», pouvait-on lire récemment dans un communiqué. Ce chercheur-là, malheureusement, ne vient pas s'installer à Montréal. Au contraire, le Dr Rafick-Pierre Sékaly nous quitte pour prendre la tête d'un nouvel institut en Floride.

La perte de ce spécialiste du sida a fait beaucoup de bruit cette semaine. Avec raison. Elle nous interpelle sur l'importance que nous accordons à la recherche de pointe. Nous manquons singulièrement d'enthousiasme envers ce secteur d'activité.

 

Soyons claire: personne au Canada n'avait les moyens de faire une offre assez attrayante pour retenir le Dr Sékaly. Mais d'autres départs pourraient être évités à l'avenir, si on s'y prend à temps. C'est-à-dire dès maintenant. Car lorsqu'un chercheur d'envergure lève les voiles, on perd bien plus que son seul talent.

Le Dr Sékaly, par exemple, entraîne 25 autres chercheurs dans son sillage. Durant sa carrière à Montréal, il a obtenu une vingtaine de brevets et signé plus de 200 articles scientifiques. Il a aussi convaincu l'Institut national de la santé et de la recherche médicale de France d'implanter sa première unité nord-américaine ici. Un scientifique de haut niveau, c'est aussi une formidable locomotive. Nous ne pouvons pas nous permettre d'en perdre beaucoup. Et nous devons créer un climat qui suscite ce genre de vocations.

Le climat, hélas, est morose ces jours-ci. Même si le Dr Sékaly était resté à Montréal, des membres de son équipe seraient partis, car les universités québécoises manquent d'argent pour embaucher.

Les compressions fédérales récentes dans les budgets du Conseil de recherches en sciences naturelles et génie (CRSNG) et des Instituts de recherche en santé (IRSC) ont envoyé un message très négatif à la communauté scientifique. Et ce ne sont pas les sommes annoncées pour rénover des bâtiments universitaires, aussi nécessaires soient-elles, qui financeront la recherche.

Le secteur privé n'est guère plus motivant. Les investissements en R&D des entreprises représentent à peine plus de 1% du produit intérieur brut canadien. Ce qui nous place bien en dessous de la moyenne de l'OCDE (1,56%) et nous relègue dans le deuxième sous-sol de pays comme la Suède (2,79%) ou le Japon (2,62%).

Mais ces temps-ci, la comparaison la plus déprimante vient des États-Unis. Barack Obama a promis de rehausser les investissements en R&D à plus de 3% du PIB. En termes de dollars, nous n'arriverons jamais à imiter nos voisins américains. Mais qu'est-ce qui nous retient d'être d'accord avec eux? «La science est plus essentielle à notre prospérité, notre sécurité, notre santé, notre environnement et notre qualité de vie qu'elle ne l'a jamais été», a récemment déclaré le président Obama dans un discours. Copions, collons, ce sera déjà un bon début.

Et regardons du côté de l'Ontario, qui était venue chercher le réputé Dr Thomas Hudson chez nous il y a quelques années. Le gouvernement McGuinty vient d'ajouter 100 millions «pour attirer et retenir les meilleurs chercheurs en génomique au monde». Voilà, dans une même phrase, deux messages enthousiasmants en faveur de la science de haut niveau.

akrol@lapresse.ca

 

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