Refusé! C'est le verdict qu'Ottawa et Washington ont tamponné à l'encre rouge sur les copies de GM et Chrysler hier, en leur accordant une dernière chance de se reprendre. Mais l'ultimatum vise davantage les syndiqués, fournisseurs, concessionnaires et créanciers des constructeurs, qui tardent à faire les concessions essentielles à leur survie. La menace portera-t-elle fruits? Rien n'est moins sûr. Le scénario d'une faillite téléguidée par Washington n'a jamais été aussi plausible.

GM et Chrysler doivent retourner à leurs planches, non pas à dessin, mais à découper. Qu'il reste du gras ou non n'a pas tellement d'importance, il faut tailler dans la masse, et de façon beaucoup plus importante que ce qui a été proposé jusqu'ici. Les constructeurs le savent, les gouvernements aussi. Mais personne ne veut tenir le couteau.

 

Certainement pas Barack Obama, qui doit beaucoup aux États dépendants de la fabrication automobile. Les commentateurs ont été frappés par la dureté de son ton hier, mais ils auraient dû aussi remarquer les gants blancs qu'il portait pour parler des travailleurs de l'industrie. Même le gouvernement Harper, qui ne craint généralement pas d'écraser des orteils, sait qu'il ne gagnerait rien à faire le ménage lui-même. On aurait pu croire que le spectre d'une faillite, et la promesse de secours publics, auraient convaincu les constructeurs de faire le sale boulot, mais non. Il faut dire que leur champ d'expertise se situe plutôt dans le balayage sous le tapis, comme on a pu le voir au cours des dernières années.

Évidemment, il ne s'agit pas que de couper. Pour survivre, les géants nord-américains devront aussi créer, c'est-à-dire proposer des véhicules plus attrayants et moins gourmands. Mais s'ils ont tant tardé à le faire, ce n'est pas uniquement par manque d'idées. C'est aussi, de leur propre aveu, parce qu'ils n'arrivaient pas à rentabiliser les petits modèles. Pour y parvenir, ils n'ont d'autre choix que de renégocier avec tous leurs partenaires d'affaires.

Et si personne ne veut entendre raison, on réglera ça devant le tribunal des faillites, a fait savoir Obama. Une faillite ordonnée, appuyée par Washington pour garantir le rétablissement rapide des entreprises, mais qui viserait quand même un nettoyage en règle du bilan. Cette stratégie, souvent évoquée, se heurtait jusqu'ici à un obstacle majeur. Comment un constructeur menacé de disparition pourrait-il continuer à vendre des véhicules? Le président américain a dissipé tout doute à cet égard. Les manufacturiers ne seront ni démantelés ni vendus en pièces détachées ni rayés de la carte. Mieux: le gouvernement endossera lui-même les garanties des véhicules.

Les syndiqués, fournisseurs, concessionnaires et créanciers sont au pied du mur. Vont-ils céder? Le suspense sera de courte durée. GM n'a plus que deux mois pour présenter enfin un plan de relance valable. Chrysler, un seul. On saura bientôt si leurs partenaires d'affaires sont prêts à céder du lest. Sinon, ils seront probablement forcés de le faire sous la contrainte du fameux Chapter 11, avec un pouvoir de négociation encore plus réduit.

akrol@lapresse.ca

 

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