La ministre des Finances de l'Alberta l'a confirmé cette semaine: l'économie de sa province ne tourne pas seulement au ralenti, elle est carrément en récession. Pour les résidants, c'est presque un soulagement, car la croissance des dernières années a essoufflé tout le monde. Pour le reste du Canada, par contre, c'est une très mauvaise nouvelle.

Les Albertains, comme vous avez pu le voir en fin de semaine dans la série de notre collègue Vincent Brousseau-Pouliot, ne s'en plaignent pas. La pénurie de main-d'oeuvre qui leur a donné tant de maux de tête durant le boom est en train de se résorber. Les magasins peuvent se permettre de choisir leur personnel, les entrepreneurs ne s'arrachent plus les ouvriers. Et comme nous l'avons nous-mêmes constaté lors d'un récent séjour à Calgary, c'est loin d'être la désolation. Peu importe où vous regardez, il y a toujours quelques grues à l'horizon.

 

Le taux de chômage a beau augmenter, à 4,4%, il demeure plus qu'enviable. Sauf que ce chiffre ne dit pas tout. Il sous-estime le nombre d'emplois perdus, notamment à Fort Mac, par des travailleurs d'autres provinces qui ont commencé à rentrer chez eux. Le phénomène va s'accentuer au fil des mois, lorsque la pénurie de main-d'oeuvre se sera complètement résorbée. Plusieurs sans-emploi, constatant qu'il n'y a plus de travail pour eux en Alberta, vont plier bagage.

L'ennui, c'est qu'ils risquent de ne pas en trouver davantage chez eux. Les provinces maritimes, qui ont fourni des milliers de travailleurs à l'industrie des sables bitumineux, affichent déjà des taux de chômage deux à trois fois plus élevés que l'Alberta. Certaines ont démarré leurs propres projets d'exploitation gazière et pétrolière, ou promis d'investir en infrastructures. Néanmoins, la situation est préoccupante. Plusieurs de ces travailleurs ne s'étaient jamais vraiment installés dans l'Ouest. Ils avaient gardé famille et maison dans leur province d'origine, où ils revenaient aux trois semaines et payaient toujours leurs impôts. Une sorte de péréquation informelle, par laquelle l'argent gagné dans la région la plus riche du pays aboutissait dans les coffres de la plus pauvre. Le premier ministre du Nouveau-Brunswick ne s'en cache pas, la perte de ces revenus va faire mal au budget de sa province.

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On s'est beaucoup inquiété de l'état dans lequel les pétrolières vont laisser le nord de l'Alberta quand elles auront fini d'exploiter les sables bitumineux. On voit aujourd'hui à quel point les autres provinces risquent aussi d'être affectées. Ottawa peut toujours s'ajuster à la diminution des revenus du pétrole, mais les chômeurs, eux, pourraient avoir du mal à se replacer. L'avertissement est clair: le Canada ne pourra pas toujours compter sur l'or noir pour occuper ses travailleurs qualifiés. Il va falloir investir dans le développement d'industries plus durables et moins cycliques.

L'avertissement vaut aussi pour les politiciens albertains, qui ont préféré utiliser les revenus du pétrole pour minoucher leurs électeurs plutôt que de constituer un solide bas de laine. Où prendront-ils l'argent pour réorienter l'économie de la province lorsque les ressources naturelles seront épuisées? Le déficit annoncé pour 2009 est un avant-goût de ce qui attend l'Alberta lorsque la marée noire se sera définitivement retirée.





 

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