Une somme de 21,6 milliards US. C'est le montant du prêt que GM et Chrysler exigent maintenant de Washington, en sus des 17,4 milliards déjà accordés en décembre. Et rien ne garantit qu'ils ne tendront pas la main à nouveau dans trois mois. On aurait envie de les envoyer promener, mais à notre avis, la faillite n'est pas une solution. Toutefois, il va falloir pousser la réflexion plus loin que ce qui est proposé en ce moment.

Il est étonnant que certains enjeux ne soient pas davantage discutés. La direction de ces entreprises, par exemple. Les patrons de GM et de Chrysler sont-ils vraiment les meilleurs candidats pour réinventer l'industrie? Il faut se poser la question. Après tout, ce sont eux qui ont amené Detroit au bord du gouffre en s'entêtant à construire des mastodontes... parce qu'ils étaient incapables de faire de l'argent avec des petites voitures! Aujourd'hui, tout le monde parle de réduire les coûts, mais ce n'est qu'une partie de l'équation. Si Chrysler et GM veulent survivre, ils vont devoir offrir les bons véhicules. Ceux que les consommateurs ont envie d'acheter, pas seulement parce qu'ils sont fabriqués par des Américains, mais parce qu'ils sont plus intéressants que ceux des concurrents.

 

Côté financement aussi, on reste dans les recettes convenues. L'État va-t-il se cantonner dans un rôle de banquier? L'administration Obama pourrait intervenir de façon plus novatrice, en s'intéressant par exemple aux régimes d'assurance santé, qui coûte une fortune à ces entreprises. Entre ses employés, ses retraités et leurs proches, GM couvre près d'un million d'Américains au total. Ce serait un beau groupe témoin pour créer un projet pilote d'assurance universelle.

Les restructurations à l'abri des lois sur la faillite ont souvent donné de bons résultats dans le passé, mais le cas de GM et de Chrysler est tout à fait différent. Administrer ce remède de cheval à un transporteur aérien lorsque l'économie se porte bien, ou qu'elle souffre d'un ralentissement passager, c'est sans grand risque. Par contre, mettre l'un des trois piliers de l'industrie américaine à terre alors que le pays vient d'entrer dans une profonde récession pourrait avoir des effets secondaires incontrôlables.

Les constructeurs n'ont pas besoin d'aller aussi loin pour arracher des concessions à leurs partenaires. La menace suffit, car elle est bien réelle. Évidemment, ce genre de nettoyage plus ordonné ne permettra pas d'effacer les ardoises aux dépens des créanciers, mais ce ne serait pas souhaitable non plus. Trop de fournisseurs s'en trouveraient ébranlés, voire même acculés à la faillite eux aussi. C'est la dernière chose dont l'économie nord-américaine a besoin en ce moment.

Les seuls qui profiteraient d'une telle faillite seraient les constructeurs étrangers. Si l'un des trois grands coule à pic, les consommateurs vont fuir les deux autres comme des pestiférés. Ce n'est pas pour rien que le grand patron de Ford a mis autant d'énergie à convaincre Washington d'aider ses concurrents, alors qu'il n'a lui-même pas besoin d'argent pour l'instant. Il sait qu'il n'a rien à gagner de leur disparition.

akrol@lapresse.ca

 

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