Le débat opposant public et privé est reparti de plus belle dans le secteur de la santé. Nous ne ferons pas ici l'inventaire des positions, qui sont bien connues et bien arrêtées. Au-delà des questions de valeurs ou d'idéologie, une réalité concrète s'impose: tant le Québec manquera de médecins, il ne leur permettra pas de pratiquer à la fois au public et au privé.

Pour l'instant, rappelons-le, les praticiens doivent choisir leur camp: participant, ou non-participant. S'ils veulent poser des actes médicaux couverts par la Régie de l'assurance-maladie (la RAMQ), ils ne peuvent faire que ça. S'ils préfèrent être payés en espèces sonnantes par les patients ou par une clinique, c'est la même chose. Ils peuvent changer de statut, mais pas facturer dans les deux systèmes à la fois.

 

Le régime public comporte son lot de frustrations professionnelles, mais ça ne doit pas être le goulag non plus: seulement 200 des quelque 17 000 médecins pratiquant au Québec ont choisi de s'en désengager. Tous les autres facturent à la RAMQ.

Certains craignent que les effets de la cohabitation entre médecins participants et non-participants dans les futurs centres médicaux spécialisés. Sur ce point, nous préférons réserver notre jugement. Il faudrait d'abord connaître l'encadrement exact que le ministère donnera à ces cliniques. Or, ces détails ne sont pas encore disponibles. Ils viendront avec les modifications législatives qui seront déposées au cours de la session.

En attendant, il faut se concentrer sur l'essentiel. Le système public manque de médecins; il a besoin de toutes les heures que ceux-ci souhaitent consacrer à leur profession.

Dans un essai publié il y a trois ans, le Dr Yves Lamontagne suggérait d'exiger de chaque praticien qu'il travaille 40 heures par semaine dans le système public, et de permettre à ceux qui veulent en faire plus de consacrer ces heures au régime de leur choix. Le président du Collège des médecins s'exprimait à titre personnel, mais plusieurs de ses confrères seraient sûrement intéressés par un tel arrangement. La formule, en effet, est séduisante. Mais tant que la pénurie d'effectifs ne sera pas résorbée, elle risque de handicaper encore plus le système public.

Car ce système, rappelons-le, est tenu à bout de bras depuis des années par des professionnels qui travaillent pas mal plus que 40 heures par semaine. Les omnipraticiens font 45 heures en moyenne, les spécialistes, 50 heures. Les effectifs commencent à augmenter, mais il faudra encore au moins quatre ou cinq ans avant de pouvoir dire qu'on ne manque plus de médecins au Québec.

Et les jeunes professionnels, ne l'oublions pas, sont beaucoup moins enclins que leurs aînés à sacrifier leur vie personnelle à leur travail. Faudra-t-il 1,2 ou 1,3 médecin pour remplacer chacun de ceux qui partent à la retraite? Personne ne l'a calculé. Mais le moment est vraiment mal choisi pour implanter un régime qui inciterait les médecins à fournir un service minimum au public, puis à compléter ce revenu de base au privé. Le système public, et la majorité de Québécois qui en dépendent, n'ont rien à y gagner.

akrol@lapresse.ca

 

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