Les réseaux de télévision privés devront bientôt passer devant le Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes (CRTC) pour renouveler leurs permis de diffusion. Un exercice qui s'annonce particulièrement épineux cette année, alors que la récession menace d'aggraver les problèmes de l'industrie. Difficile, dans ce contexte, d'imposer des conditions pour les sept prochaines années. Mieux vaudrait octroyer des licences moins longues que d'habitude.

Comment se portent les réseaux privés? Dans quelle direction s'en vont-ils? Il y a tellement de neige sur l'écran ces jours-ci qu'on a du mal à le discerner. On sait que le secteur va moins bien. En quatre ans, de 2003 à 2007, les diffuseurs canadiens ont vu leur bénéfice net avant impôts reculer de 60% par année en moyenne. Certains vont plus mal que les autres - dont Global, à cause de son endettement. Certains, comme TVA, s'en tirent mieux, notamment parce que les Québécois fréquentent leur télé plus assidûment que les Canadiens anglais.

 

On sait aussi que les gens passent de plus en plus de temps sur internet, ce qui leur en laisse moins pour le petit écran traditionnel. Les ventes publicitaires des diffuseurs n'en sortiront pas intactes. Les difficultés économiques, en particulier celles de l'industrie automobile, risquent de précipiter cette tendance.

Le produit télévisuel, par contre, n'a rien perdu de son attrait. On n'a qu'à voir la quantité d'émissions et d'extraits qui circulent, légalement ou non, dans le cyberespace. Si on les retirait du jour au lendemain, l'offre de contenu vidéo en ligne en prendrait vraiment pour son rhume!

À terme, le problème qui va se poser pour le contenu télé sera le même que celui auquel font face la musique et l'information: la demande est énorme, mais comment faire de l'argent avec ça? Ce n'est pas seulement la rentabilité des réseaux qui menacée, mais la disponibilité du fameux «contenu canadien»: les émissions produites ici, avec des visages et des décors familiers, traitant de sujets significatifs pour l'auditoire.

Jusqu'ici, l'équation était simple. Pour garder leur licence, les réseaux devaient acheter et financer une certaine quantité d'émissions locales. Mais peut-on leur en demander autant alors que le potentiel de rentabilité de ces licences fond à vue d'oeil? En même temps, il faut éviter de réagir prématurément, ou de façon excessive, en lâchant trop de lest sur ces exigences qui soutiennent la production. On ne peut pas parler de crise dans le cas d'un réseau comme TVA, qui affichait de bons résultats au dernier trimestre. Que faire de Global, qui ne souffre pas seulement de l'évolution de l'industrie, mais aussi de son propre endettement? Sans oublier que dans certaines entreprises, le contenu financé à grands frais par le réseau sert aussi aux (très lucratives) chaînes spécialisées du même groupe. Finalement, personne ne peut prédire dans quel état la télé généraliste sortira de la récession.

Le CRTC devrait donc accorder des licences plus courtes, pour pouvoir ajuster le tir. Mais d'autres intervenants, dont le ministère du Patrimoine, doivent commencer à se poser des questions. Si le public préfère regarder du contenu visuel sur un ordinateur ou un cellulaire, les productions canadiennes devront être au rendez-vous. Mais pour en arriver là, il va falloir trouver de nouveaux modèles de financement.

akrol@lapresse.ca

 

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