Les trois géants américains de l'automobile ont mis un genou par terre cette semaine à Washington. Ils admettent avoir fait fausse route et promettent de repartir dans une nouvelle direction si le gouvernement injecte 34 milliards dans leurs réservoirs. Sont-ils vraiment capables de retrouver le chemin de la rentabilité? Il est permis d'en douter.

Pour comprendre toute la difficulté de la manoeuvre, il faut lire le long papier que le magazine Fortune vient de publier sur GM. «Je suis finalement arrivé au bout de ma patience», raconte le journaliste Alex Taylor III, qui couvre le secteur depuis 35 ans. Il trouve pourtant de grandes qualités à l'actuel chef de la direction, Rick Wagoner. Et jusqu'en janvier, il croyait encore à la possibilité d'un redressement, même si une de ses collègues avait prédit la faillite du constructeur depuis déjà trois ans. Mais son résumé de l'histoire récente laisse peu de place à l'optimisme.

 

La part de marché de GM recule depuis les années 60. Son titre n'est jamais remonté à son sommet de septembre 2000. Et surtout, son parcours des dernières décennies est une telle succession de virages ratés qu'on ne voit pas pourquoi, cette fois, il réussirait à repartir dans la bonne direction.

La situation de Ford est un peu meilleure et celle de Chrysler, qui appartient à des intérêts privés, un peu moins claire. Mais il faut prendre le grand patron de Ford au sérieux lorsqu'il s'inquiète de la santé financière de ses concurrents. La faillite d'un seul d'entre eux porterait un tel coup à la crédibilité des autres qu'il leur deviendrait pratiquement impossible de vendre leurs voitures. Une restructuration à l'abri de la loi sur les faillites est à exclure pour la même raison.

Les trois constructeurs font travailler près de 250 000 Américains et soutiennent trois millions d'emplois indirects. Il est clair que les élus ne peuvent pas les laisser tomber. Le problème, c'est que l'efficacité des plans qu'ils ont devant eux est loin d'être démontrée. On ne prête pas 34 milliards de fonds publics pour donner six mois ou un an de sursis à des entreprises condamnées. Pour que l'intervention se justifie, elle doit permettre aux entreprises de redevenir profitables. C'est la seule façon de garantir le maintien d'un maximum d'emplois... et le remboursement des contribuables.

Les Trois Grands ont tenu le même discours cette semaine: nous avons déjà commencé à effectuer les changements nécessaires, tout ce dont nous avons besoin, c'est de votre argent pour continuer notre beau travail. Pas très convaincant.

Si les Américains veulent encore avoir une industrie automobile dans 10 ans, ils devront pousser la réflexion pas mal plus loin. Doit-on aller jusqu'à forcer la consolidation de l'industrie, comme le suggérait le Financial Times cette semaine? Il faut au moins se donner la peine de considérer de nouvelles avenues. Ça n'a pas été fait jusqu'ici.

À force d'ignorer tous les signaux, les Trois Grands sont tombés en panne dans un cul-de-sac. Ce n'est pas parce qu'on leur donnera de l'argent pour faire le plein qu'ils seront capables de se sortir de cette impasse tout seuls.





 

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