Les dirigeants d'entreprise, on l'aura remarqué, montent rarement au front pour déclarer que l'État soutient trop, ou même suffisamment, leur secteur. En général, c'est plutôt le contraire. On ne s'étonnera donc pas que Jean-Marc Eustache, le grand patron de Transat, se plaigne du peu de considération accordée au tourisme. Ce n'est pas reconnu comme une industrie, déplorait-il en entrevue éditoriale cette semaine. Les chiffres, il faut bien l'admettre, lui donnent raison sur plusieurs points.

Prenez la Commission canadienne du tourisme (CCT), l'agence fédérale chargée de faire la promotion du Canada à l'étranger. Depuis 2002, Ottawa n'a pas augmenté, ni même maintenu son financement de base. Il l'a diminué de près du quart, calcule l'Association de l'industrie touristique du Canada. L'impact est difficilement quantifiable, car les investissements, comme les désinvestissements, mettent des années à faire effet dans ce secteur. Une chose est sûre cependant: il n'a jamais été aussi urgent d'investir dans la promotion du Canada comme destination touristique.

Les Américains, pour toutes les raisons que l'on sait, sont de moins en moins nombreux à nous visiter. Et il est inutile d'espérer une embellie tant que leur devise et leur économie ne se remplumeront pas. Le nombre de voyageurs en provenance d'autres pays augmente, mais ce serait une grosse erreur de les attendre passivement. D'abord parce qu'il en faudra beaucoup plus pour récupérer des revenus équivalents à ce que nous apportaient les Américains. Et aussi parce que ces touristes-là sont terriblement sollicités. Les nouvelles destinations se multiplient et plusieurs pays accentuent leurs efforts de promotion. Que fait le Canada pendant ce temps-là?

La CCT recevra 26 millions supplémentaires sur cinq ans pour promouvoir les Jeux de Vancouver. Effectivement, c'est une occasion à ne pas rater. Mais il faut aussi penser à long terme et bonifier le financement récurrent pour attirer de nouvelles clientèles. On peut bien rire du centre de ski intérieur et des hôtels pharaoniques de Dubaï, mais la vitesse à laquelle cet émirat désertique s'est positionné comme destination touristique force le respect. Et nous, qu'avons-nous de neuf et d'excitant à raconter?

Ces touristes étrangers qui ne viennent pas des États-Unis arriveront, pour la plupart, en avion. Jean-Marc Eustache n'est pas le premier dirigeant de société aérienne à critiquer les frais imposés pour transiter par les aéroports canadiens. La question n'est pas tant de savoir de combien il faudrait les diminuer, mais s'il est pertinent qu'Ottawa continue à passer à la caisse de cette façon. Qu'on facture un loyer aux aéroports et d'autres frais pour la sécurité, passe encore. Mais pourquoi ne pas se contenter de recouvrer le coût réel de ces services? Une partie des sommes perçues pourrait alors, comme le suggère Jean-Marc Eustache, servir au développement du tourisme. Les retombées qui s'ensuivront finiront inévitablement par profiter au Trésor fédéral.

Le ralentissement économique refroidit les ardeurs des voyageurs, mais ce sera de courte durée. À terme, le tourisme international est plutôt promis à une solide croissance. Si le Canada veut sa part, il devra investir en conséquent.

akrol@lapresse.ca

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