L'État québécois devrait-il se disperser dans tous les domaines où les citoyens réclament son intervention, ou concentrer ses efforts sur ce qui devrait être ses priorités, l'éducation et la santé ? Dans une entrevue à notre collègue Louise Leduc, le Dr Gilles Julien, fondateur de la pédiatrie sociale, prône la seconde approche. Nous partageons son point de vue.

M. Julien déplore que les Québécois sollicitent trop le gouvernement, que ce soit pour le financement de l'aide aux devoirs ou la prise en charge de la garde d'enfants, en passant par l'alimentation des écoliers. « Si on demande à l'État de faire tout cela, il ne fera pas bien sa vraie job », souligne le médecin, la « vraie job » en question étant de « donner une bonne éducation, accessible à tous, et de bons soins de santé ».

Là se trouve le noeud du problème des finances publiques. Pris un à un, chaque programme gouvernemental se justifie. Survient l'annonce d'une diminution du financement ou d'une coupe de postes, des voix s'élèvent : « C'est un service essentiel ! » « Ce n'est pas une dépense, mais un investissement ! » Soit. Cependant, comparé aux soins de base donnés (ou pas) aux personnes âgées, le financement de la fête nationale est-il une priorité ? Bien sûr, il est souhaitable de préserver la faune québécoise, mais lutter contre le décrochage n'est-il pas plus urgent ?

Soigner et instruire sont des missions d'une importance et d'une envergure telles que seul l'État peut en prendre la responsabilité. Assurons-nous qu'il puisse y consacrer le maximum de ressources.

Dans plusieurs autres domaines, le communautaire, le privé, le bénévolat et la responsabilité personnelle devraient prendre le relais, au moins en partie.

Parlant du réseau des garderies subventionnées, le Dr Julien déplore : « On a démobilisé les familles. On leur a dit : « Vos enfants, l'État va s'en occuper ». Mais ça n'a pas de bon sens que le gouvernement s'occupe de nos bébés dans les garderies ! »

Dans un communiqué (à lire dans l'écran suivant), la Fondation du Dr Julien a tenu à ajuster le tir de quelques millièmes de degré : le bon pédiatre n'a rien contre les CPE. Tout de même, convient la Fondation, les enfants des familles démunies, pour lesquelles le programme a été conçu, ont du mal à y trouver des places : « S'il faut rendre une mesure universelle, assurons-nous d'abord que ceux dans le besoin y ont un accès privilégié. »

Le Dr Gilles Julien a fait le choix, il y a longtemps, de ne pas attendre le gouvernement pour s'attaquer aux problèmes qui le préoccupaient. Si nous étions plus nombreux à suivre son exemple, chacun à notre manière, l'État québécois pourrait mieux s'acquitter de sa « vraie job ».