Le président de Québecor, Pierre Dion, aimerait que les élus cessent de mêler l'entreprise « au débat politique partisan ». Il a exprimé ce souhait dans une lettre envoyée au leader parlementaire du gouvernement Couillard, Jean-Marc Fournier. Comme M. Dion aurait dû le prévoir, M. Fournier a sauté sur l'occasion pour tenter d'embarrasser le chef de l'opposition et actionnaire de contrôle de Québecor, Pierre Karl Péladeau.

C'est à la suite d'un échange tenu à l'Assemblée nationale que M. Dion a écrit la lettre en question. À l'opposition qui dénonçait le taux d'intérêt imposé par Hydro-Québec aux mauvais payeurs, le ministre Pierre Arcand avait répondu en évoquant le taux encore plus élevé exigé par Vidéotron, filiale de Québecor. On comprend l'agacement de M. Dion. D'une part, Vidéotron est loin d'être la plus gourmande à cet égard. D'autre part, la comparaison est bancale, Hydro-Québec étant une société d'État. Malheureusement, de tels raccourcis sont monnaie courante en politique.

Pour ne pas nuire à l'entreprise, les adversaires de M. Péladeau devraient-ils s'abstenir d'utiliser son passé à Québecor contre lui ? Absolument pas.

Si Pierre Karl Péladeau est chef de l'opposition aujourd'hui, c'est grâce à son parcours dans le monde des affaires.

Or, cette carrière longue de 28 années s'est faite au sein d'une seule et même entreprise. D'ailleurs, dans la biographie du chef affichée sur le site internet du Parti québécois, le mot Québecor revient 17 fois.

« J'ai passé l'essentiel de mon existence à créer de la richesse et des emplois », dit souvent le chef péquiste. Pourquoi serait-il interdit à ses adversaires de mettre en lumière l'envers de la médaille ? Il est inévitable que la société Québecor se retrouve au coeur de ces débats.

D'autant plus que Québecor entretient des liens étroits avec l'État. La Caisse de dépôt est propriétaire d'un quart des actions de Québecor Média. Le gouvernement du Québec a versé 200 millions pour la construction du Centre Vidéotron.

Enfin, si Pierre Dion souhaite extraire Québecor du débat politique, il faudra qu'il évite de s'y immiscer lui-même. Le 29 mars, à Tout le monde en parle, le « dragon » Mitch Garber a mis en doute les talents de gestionnaire de Pierre Karl Péladeau. Dans un communiqué publié le lendemain, Québecor a volé au secours de ce dernier, M. Dion le qualifiant de « gestionnaire hors pair » et de « leader transformationnel ». Pourquoi le PDG de Québecor prenait-il la défense du député de Saint-Jérôme, alors que celui-ci n'occupe plus de poste dans l'entreprise ?

Quand Pierre Karl Péladeau a décidé de se lancer dans l'arène politique, il y a entraîné son entreprise, pour le meilleur et pour le pire. M. Dion doit accepter cette conséquence inéluctable du choix de carrière de son ancien patron.