Ce n'est pas le carillon de la porte d'entrée qu'ont entendu jeudi les actionnaires d'Avon Products, mais le chant d'une transaction alléchante... qui s'est révélée fictive. Découragés par l'interminable déclin de l'entreprise de cosmétiques, les détenteurs de titres d'Avon ont sauté sur cette occasion inespérée de vendre. Ceux qui l'ont fait ne le regrettent certainement pas. Les acheteurs, par contre, s'en mordent les doigts.

À 11h34 jeudi, un communiqué de presse de la firme PTG Capital est paru sur EDGAR, le site de partage d'informations de la Securities and Exchange Commission (SEC). PTG y annonçait son intention d'acheter toutes les actions d'Avon à 18,75 $US, soit trois fois le prix du marché. Pendant l'heure qui a suivi, plus de 30 millions d'actions ont été échangées ; le titre, en recul depuis 5 ans, a bondi de 6,60 à 8,00 $.

Les négociateurs et journalistes spécialisés ont vite eu la puce à l'oreille. Lorsqu'ils ont tenté de contacter le bureau de PTG à Londres, il n'y avait qu'une messagerie vocale. Le cabinet d'avocats censé représenter la firme aux États-Unis était introuvable.

De plus, des anomalies ont été découvertes dans le communiqué. À deux endroits dans le texte décrivant l'acheteur potentiel, le nom de l'entreprise était épelé TPG au lieu de PTG. Il appert que la description en question était tirée du site web d'une firme d'investissement existante, TPG. En faisant un copier-coller, le fraudeur avait omis de remplacer le sigle authentique par le nom de sa fausse société...

Au bout d'une heure, l'affaire était dégonflée et l'action d'Avon ramenée à 7,20 $. Elle a glissé hier à 6,96 $. Comme tout cela s'est produit très vite, il est probable que la plupart des transactions ont été faites par des négociateurs à haute fréquence.

Néanmoins, cet incident vient rappeler aux petits investisseurs qu'il est extrêmement risqué d'agir sur le coup de l'émotion et sur la base d'informations partielles.

Retenons aussi de cette péripétie que les documents déposés dans EDGAR ne sont pas examinés par les autorités. Il en est de même chez son équivalent canadien, SEDAR. Comme des milliers de documents sont versés chaque jour dans ces registres électroniques, il est tout simplement impossible d'en vérifier le contenu. Cet incident, qui n'est pas le premier du genre, devrait tout de même amener les responsables à rehausser les exigences pour l'admission de nouveaux déposants.

On ne connaît pas l'auteur de la fausse offre d'achat des actions d'Avon. S'agit-il d'un plaisantin ? D'un fraudeur ? Peu importe : la réaction instantanée du marché démontre à quel point il demeure facile de tromper les investisseurs. Et comme tout se fait maintenant à la vitesse de l'éclair, même un fourbe du dimanche - offrir trois fois le prix du marché ! - peut provoquer d'importants dégâts financiers.