Berkshire Hathaway et 3G Capital sont parmi les investisseurs les plus respectés de la planète. Aussi, quand ils orchestrent une transaction, on sait qu'ils ont un plan solide et qu'ils sont là pour le long terme. N'empêche, en acquérant le fabricant Kraft pour l'incorporer à Heinz (qu'ils possèdent ensemble depuis deux ans), ils avalent un morceau qui risque d'être difficile à digérer.

La création de Kraft Heinz a été annoncée la semaine dernière. La transaction, évaluée à 46 milliards américains, donnera naissance à la cinquième entreprise alimentaire du monde. La société possédera huit marques dont chacune enregistre des ventes mondiales dépassant le milliard.

Pour Kraft, les dernières années ont été mouvementées. En 2009, elle a lancé une prise de contrôle hostile du confiseur anglais Cadbury. Trois ans après avoir réussi son coup, elle a vendu sa proie pour créer deux entreprises distinctes: Kraft, désormais limitée aux produits vendus dans les épiceries d'Amérique du Nord, et Mondelez, géante des biscuits et friandises, présente partout dans le monde. En décembre dernier, le PDG de Kraft a été remplacé, le conseil d'administration s'inquiétant de la rentabilité défaillante du groupe. C'était l'occasion attendue par Berkshire et 3G.

3G Capital, un fonds d'investissement brésilien, est également un redoutable exploitant. La société s'est fait connaître par sa méthode de réduction systématique des coûts («zero-based budgeting»), qui va de la fermeture d'usines à la réduction du nombre de pages imprimées dans ses bureaux. Il ne fait pas de doute que bon nombre des 22 000 travailleurs de Kraft vont perdre leur emploi.

Pour les actionnaires de Kraft, la transaction est un cadeau du ciel. En plus d'obtenir 49% des actions de la nouvelle société, ils recevront un dividende exceptionnel de 16,50$ par action. Le titre de Kraft a d'ailleurs bondi de 61$ avant l'annonce à 90$ à la clôture hier.

Quant aux deux propriétaires de Heinz, ils visent à «créer une plateforme forte pour la croissance aux États-Unis et à l'international». La fusion redonne à Kraft la portée internationale qu'elle avait avant la création de Mondelez.

La note de crédit de Kraft étant élevée, Heinz compte refinancer sa dette à des taux d'intérêt avantageux. Elle pourra aussi racheter les actions privilégiées détenues par Warren Buffett, d'une valeur de 8 milliards, qui versent au sage d'Omaha un généreux dividende de 9%.

Une fois les dépenses d'exploitation réduites, le plus dur restera à faire: freiner le lent déclin de plusieurs produits-vedettes de Kraft, que les consommateurs nord-américains tendent à délaisser. Ces produits pourront-ils percer les marchés étrangers? Si certains analystes en doutent, d'autres soulignent que Burger King, acquise par 3G il y a cinq ans, est aujourd'hui en voie de réussir son retour en France.