Après la chute vertigineuse des derniers mois, les prix du pétrole semblent se stabiliser à un niveau situé entre 50 $ et 60 $US. Selon une analyse publiée ce matin par l'Agence internationale de l'énergie (AIÉ), derrière les récents soubresauts se cache un changement profond ; en raison d'évolutions environnementales, technologiques et démographiques, la place centrale du pétrole comme carburant de la croissance mondiale commence à s'effriter.

Il s'agit d'une transformation radicale, mais lente. On ne parle pas du « peak oil » ou d'un monde sans pétrole. Contrairement à ce qu'annoncent ces scénarios, le premier catastrophiste, l'autre chimérique, la demande et la production d'or noir continueront à augmenter au cours des prochaines années. Toutefois, la hausse sera plus lente qu'attendu.

Selon l'AIÉ, les pays développés ne consommeront pas plus de pétrole en 2020 qu'aujourd'hui. Cela s'explique par la combinaison de trois facteurs. Un : les normes environnementales de plus en plus exigeantes imposées aux fabricants d'automobiles. Deux : l'effet d'internet sur le commerce de détail, qui entraîne une diminution des déplacements motorisés des consommateurs. Trois : plus une population vieillit, moins elle se déplace en voiture.

Jusqu'à récemment, on croyait que ces tendances dans les pays riches seraient compensées par la croissance spectaculaire des économies émergentes. Suivant le modèle de l'Occident au XXe siècle, cette croissance exigerait nécessairement d'énormes quantités de pétrole. Or, les choses ne se passent pas tout à fait ainsi. « On ne peut pas extrapoler sur la base de l'expérience passée pour projeter la demande future des marchés émergents, souligne l'Agence. Le contexte technologique et économique a changé, et cela change tout. »

C'est ainsi que la Chine accorde désormais une importance considérable aux conséquences environnementales de son développement. De nombreuses mesures ont été mises en place afin de réduire l'empreinte carbone de la croissance chinoise. Résultat : chaque milliard de yuans de PIB exige aujourd'hui 34 % moins de pétrole qu'il y a 10 ans.

Bref, le déclin planétaire du pétrole ne se produit pas aussi vite que le souhaiteraient les écologistes, mais à long terme, il semble inéluctable.

Que signifie ce changement pour le Canada, gros exportateur de pétrole ? À court terme, pas grand-chose. La production canadienne continuera d'augmenter, quoique moins rapidement que prévu. Néanmoins, le pays doit se préparer au monde nouveau qui apparaît à l'horizon. D'abord et avant tout, les gouvernements doivent forcer l'industrie à nettoyer le plus possible l'exploitation des sables bitumineux. Dans un marché où les acheteurs auront l'embarras du choix, un pétrole dont l'extraction est plus dommageable pour l'environnement sera moins prisé.