La publication des plus récentes données sur l'emploi a donné lieu, à Québec, aux habituels échanges verbaux entre le gouvernement et les partis d'opposition. En réalité, quoi qu'en disent les politiciens, le parti au pouvoir a une influence limitée sur la création d'emplois. De plus, les statistiques mensuelles sont peu utiles pour déceler les tendances de fond.

Il faut donc prendre du recul. On constate alors que depuis deux ans, le Québec fait du surplace.

À l'époque du gouvernement Charest, les libéraux ne rataient pas une occasion de souligner que l'économie québécoise était sortie plus rapidement et moins amochée de la récession que les autres régions du continent. Le Québec a même enregistré, de 2009 à 2013, un taux de chômage plus bas ou semblable à celui de l'Ontario, du jamais vu.

Malheureusement, le fossé semble se creuser à nouveau en faveur de notre puissante voisine. Grâce à une accélération de la croissance, l'Ontario a créé 80 000 emplois en 2014; le Québec en a perdu 16 000. Le taux de chômage ontarien est retombé sous le nôtre.

Du million d'emplois créés au Canada depuis la fin de la crise, le Québec en compte seulement 17%. La part du secteur public dans les emplois occupés dans la province a augmenté; désormais, un emploi sur quatre se trouve dans le secteur gouvernemental.

Dans la mesure où, la récession passée, on s'arrêtait aux signes de faiblesse dans l'économie québécoise, on les attribuait à la force du dollar, dopé par les prix élevés du pétrole. Le huard ayant depuis glissé à 84 cents US, l'excuse ne tient plus. Les entreprises québécoises devront démontrer qu'elles sont en mesure de profiter de cette conjoncture favorable. Manufacturiers et exportateurs du Québec prévoit une hausse de 15% de nos exportations vers les États-Unis. Tant mieux si cette prévision s'avère. Les problèmes de fond ne seront pas réglés pour autant.

Le Centre sur la productivité et la prospérité (HEC Montréal) a récemment comparé le Québec aux autres provinces et aux 20 pays membres de l'OCDE pour ce qui est de la productivité (la richesse produite par heure de travail), de l'intensité du travail (le nombre d'heures travaillées par emploi) et du taux d'emploi (le pourcentage de la population totale occupant un emploi). Le Québec se classe 22e sur 30 pour les deux premiers indicateurs, et au 19e rang pour le troisième. Or, ce sont ces trois facteurs qui déterminent la prospérité d'une région.

Si les Québécois veulent bâtir une société plus riche, ils devront non pas travailler plus, mais produire davantage. Cela passe par des investissements accrus des entreprises dans la formation et les technologies de pointe. C'est à cette condition que nous pourrons préserver le modèle québécois dont il est tant question ces jours-ci.