À la lumière des plus récentes projections de Statistique Canada, le chef de l'opposition officielle, Stéphane Bédard, a déploré le fait que «le poids démographique du Québec au sein du Canada continue de diminuer». En effet, selon l'agence fédérale, dans 25 ans, les Québécois constitueront 21% ou 22% de la population de la fédération, contre 23% aujourd'hui et 28% en 1971.

M. Bédard voit dans cet affaiblissement démographique un argument en faveur de l'indépendance: «Il est à prévoir que notre position de nation minoritaire à l'intérieur du Canada ira en s'aggravant et que notre influence sur les décisions fédérales continuera d'être de plus en plus négligeable.»

La diminution du poids démographique du Québec ne date pas d'hier, mais le problème est de plus en plus préoccupant. Il ne le serait pas moins si la province devenait pays. L'influence d'une nation dépend, en grande partie, de sa force économique, elle-même tributaire de son dynamisme démographique. Une population jeune et en croissance produit plus de richesse, alors qu'une nation vieillissante et en déclin voit son économie se scléroser. Il y a 30 ans, le PIB du Québec représentait 23% du PIB canadien; depuis, il a glissé à 19%.

Au sein de la fédération, cet affaiblissement entraîne une influence politique moindre. Pour demeurer incontournables, les Québécois devront redoubler d'efforts.

Si le Québec choisit un jour la séparation, il se trouvera en position de faiblesse lorsque viendra le temps de négocier une association avec le reste du Canada. Ceux qui croient que les nouveaux arrangements seraient plus avantageux que ceux d'aujourd'hui se trompent lourdement.

Ce n'est pas en raison d'un complot du fédéral que la population du Québec croît moins vite que celle du reste du pays. Cette évolution résulte de décisions prises au Québec.

Un exemple: l'entente Canada-Québec sur l'immigration, signée en 1991, permet à la province d'accueillir beaucoup plus d'immigrants que sa part de la population canadienne. Or, bon an mal an, le Québec reçoit au mieux 20% de tous les immigrants arrivant au Canada. De plus, au cours des quatre dernières années, le Québec a perdu des centaines de milliers d'habitants au profit des autres provinces. Tout indique que cette saignée est en bonne partie due à la conjoncture politique et économique prévalant ici.

Dans l'avenir prévisible, la prospérité du Québec souffrira aussi de son vieillissement. Déjà, la province est l'un des États les plus vieux d'Amérique du Nord, avec 17% de sa population âgée de 65 ans et plus. Ce phénomène va s'accentuer: en 2038, le quart des Québécois auront 65 ans et plus.

À mesure qu'il s'affaiblit, le Québec voit diminuer sa capacité de faire des choix. Afin de se donner plus de marge de manoeuvre - plus de souveraineté... -, les Québécois doivent prendre à bras le corps les problèmes qui sont à l'origine de cette anémie. Malheureusement, on ne voit poindre aujourd'hui aucun signe de l'avènement d'une telle prise de conscience.