Beaucoup de grands joueurs ont porté les couleurs du Canadien de Montréal depuis la création de l'équipe il y a 105 ans. Trois d'entre eux ressortent du lot parce qu'ils ont marqué non seulement leur équipe, mais leur sport et leur pays: Maurice Richard, Jean Béliveau et Guy Lafleur.

Les trois furent plus que d'extraordinaires joueurs. Maurice Richard était animé par une rage de vaincre jamais vue avant et depuis. Guy Lafleur a été un des joueurs les plus spectaculaires de tous les temps. Dans un sport intrinsèquement violent, Jean Béliveau a réussi l'exploit de jouer avec grâce, grand, solide et calme comme un chêne. Après une vie où il a donné beaucoup plus qu'il n'a reçu, monsieur Béliveau est décédé mardi, à l'âge de 83 ans.

Dès les débuts de sa carrière, sur et hors de la patinoire, Jean Béliveau a été une force tranquille. On sait qu'il a résisté pendant quatre ans aux pressions qu'on exerçait sur lui afin qu'il quitte Québec et rejoigne le Canadien. Béliveau est resté dans la Vieille Capitale par loyauté pour les citoyens de Québec qui l'avaient si chaleureusement accueilli. Et puis, il avait commencé à fréquenter Élise Couture, «une jolie blonde» qu'il épousera en 1953 et avec qui il a partagé les 61 années suivantes.

«Si on retient quelque chose de moi lorsque je ne serai plus, je souhaite qu'on dise que j'étais un joueur d'équipe. À mes yeux, il n'y a pas de plus beau compliment», a écrit monsieur Béliveau dans son autobiographie.* Oui, Jean Béliveau a toujours été un joueur d'équipe. Comme joueur, il fut non seulement un excellent compteur, mais aussi un excellent passeur. Son sens de l'équipe explique aussi pourquoi ses coéquipiers l'ont choisi comme capitaine, en 1961, devant Dickie Moore et Bernard Geoffrion.

Jean Béliveau a terminé sa carrière de joueur actif comme il l'avait menée: avec sagesse et élégance. Après être devenu le quatrième joueur de l'histoire de la LNH à marquer 500 buts dans sa carrière et avoir aidé son équipe à gagner une 17e Coupe Stanley, il a annoncé sa retraite. S'il l'avait souhaité, il aurait pu jouer encore deux ou trois saisons. Après tout, malgré ses 39 ans, le numéro 4 venait de terminer au dixième rang des compteurs de la ligue. Mais monsieur Béliveau sentait qu'il n'était plus à son meilleur. À ses yeux, continuer aurait été injuste pour l'équipe et pour les partisans.

Lorsque, quelques mois plus tard, les Nordiques de Québec, de l'Association mondiale de hockey, lui ont offert un plantureux contrat, il a refusé net: «Peu importe l'argent que vous mettrez sur la table, je ne reviendrai pas au jeu. Je ne peux plus jouer comme j'aimais le faire. Si je pouvais le faire, je jouerais avec le Canadien.»

Le passage de la patinoire aux bureaux du Canadien de Montréal s'est fait sans difficulté tellement M. Béliveau était déjà un ambassadeur hors pair pour son équipe. Pendant les années qu'il a représenté le Canadien d'un bout à l'autre du continent, l'ancien capitaine a toujours fait honneur à l'organisation. Jusqu'à son dernier souffle, Jean Béliveau a été un joueur d'équipe.

* Jean Béliveau: ma vie bleu-blanc-rouge, Hurtubise (2005)