Selon la présidente de Gaz Métro, Sophie Brochu, si le projet Énergie Est voit le jour tel que conçu par TransCanada, «ce sont des usines qui pourraient fermer, des hôpitaux et des écoles qui auraient encore plus de difficulté à boucler des budgets déjà serrés». Selon TransCanada, le projet «fournira aux entreprises, aux écoles et aux hôpitaux en Ontario et au Québec une source de gaz sûre et fiable». Qui dit vrai?

Nous sommes ici en présence d'entreprises qui se côtoient depuis longtemps. TransCanada transporte le gaz naturel de l'Ouest canadien et des États-Unis jusqu'aux marchés de l'est du pays. Là, Gaz Métro, Union Gas et Enbridge Distribution prennent le relais. Par la force des choses, transporteur et distributeurs collaborent constamment. TransCanada et Gaz Métro sont même copropriétaires du gazoduc TQM, au Québec.

Cette proximité n'empêche pas les entreprises en question de se chicaner fréquemment, surtout au sujet des tarifs que TransCanada exige pour le transport de l'énergie. En définitive, c'est l'arbitre - l'Office national de l'énergie (ONE) - qui règle les litiges.

Le projet Énergie Est prévoit la conversion en oléoduc d'une partie de son réseau gazier principal (la «Mainline») de TransCanada. Ce vaste réseau est présentement sous-utilisé. Le changement permettrait le transport du pétrole albertain jusqu'au Nouveau-Brunswick, en passant par le Québec. Le tronçon nord du Triangle de l'Est, qui approvisionne les marchés québécois et ontarien, est parmi les canalisations destinées à être converties. Une fois la transformation opérée, une des deux conduites du «North Bay Shorcut» transporterait du pétrole plutôt que du gaz.

Selon TransCanada, la capacité ainsi perdue sera compensée par l'ajout de nouvelles conduites au tronçon reliant Toronto à Montréal. La chicane se transforme ici en débat d'experts dans lequel nous ne nous égarerons pas ici.

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Depuis plusieurs années, les distributeurs et les gros consommateurs de gaz profitaient du surplus de capacité de la Mainline pour commander le carburant à la dernière minute, au lieu de s'engager à l'avance. En transformant une partie de la Mainline en oléoduc, TransCanada cherche à utiliser son pipeline à pleine capacité au lieu de le laisser à moitié vide la plupart du temps. Les acheteurs y perdront en flexibilité. Sans doute devront-ils payer des tarifs de transport un peu plus élevés. Cependant, agiraient-ils autrement que ne le fait TransCanada s'ils étaient dans ses souliers?

Les distributeurs conviennent qu'Énergie Est contribuera à la prospérité du Canada. Ils veulent que le projet soit modifié, pas abandonné. À notre sens, l'ONE doit avant tout s'assurer que le nouvel oléoduc sera bâti de façon à ce que les risques pour l'environnement soient minimisés. Pour ce qui est de la querelle entre le transporteur et les distributeurs, l'Office tranchera, comme il a souvent dû le faire dans le passé. Jusqu'à la prochaine chicane.