Un authentique conservateur fiscal ne souhaite pas seulement une baisse des impôts; il prône la simplification du système fiscal. Les diminutions d'impôt annoncées jeudi par le gouvernement Harper vont dans le sens contraire. Comme quoi s'il faut aller à l'encontre de leurs principes pour gagner les élections, les conservateurs le feront volontiers.

Les mesures dévoilées auront bel et bien l'effet de réduire de quelques dizaines ou centaines de dollars le fardeau fiscal de la majorité des familles du pays. Toutefois, en grande partie pour des raisons tactiques, les moyens choisis compliqueront encore le calcul de l'impôt sur le revenu des particuliers.

Au moins, le gouvernement conservateur a entendu une partie des arguments de ceux - très nombreux - qui dénonçaient son projet de fractionnement du revenu. Plusieurs groupes de réflexion avaient démontré que le fractionnement bénéficierait surtout aux ménages aisés; certains y auraient gagné plus de 6000$. La mesure annoncée cette semaine plafonne le gain à 2000$. Cela rend le fractionnement moins inéquitable. Il reste que les 2,4 milliards qu'il coûtera auraient pu être mieux répartis.

Les provinces craignaient de devoir adopter elles aussi le fractionnement en raison des ententes qui les lient (sauf le Québec) à Ottawa. Cela leur aurait coûté cher. Par un tour de passe-passe qui a médusé même les fiscalistes, Ottawa évite le pire à cet égard.

Le gouvernement a aussi annoncé une augmentation de la Prestation universelle pour la garde d'enfants. Cette prestation, la PUGE (!), était une mesure phare de la campagne électorale conservatrice de 2006. Elle prend la forme d'un chèque mensuel de 100$ pour chaque enfant de moins de six ans. À compter du 1er janvier prochain, le chèque mensuel bondira à 160$. De plus, les enfants de 6 à 17 ans donneront eux aussi droit à une prestation (de 60$ par mois).

Évidemment, il serait plus simple d'augmenter un ou des crédits d'impôt existants que d'envoyer un chèque par mois à 4 millions de ménages, surtout que les montants reçus sont en partie récupérés par le fisc. Plus simple, moins coûteux... mais beaucoup moins rentable à quelques mois d'élections générales.

Contrairement aux espoirs de la droite, le gouvernement de Stephen Harper a multiplié les mesures fiscales ciblées dans l'espoir de séduire des clientèles précises. Le salmigondis fiscal s'en est trouvé épaissi d'autant.

«Le système fiscal du Canada demeure inutilement compliqué, lourd de formalités administratives, exigeant en main-d'oeuvre, difficile à comprendre et coûteux à administrer», déplorait l'an dernier l'Association des comptables généraux du Canada dans une lettre au premier ministre. Malheureusement, pour gagner les élections de 2015, M. Harper a décidé d'ajouter plusieurs nouvelles pages à la Loi de l'impôt sur le revenu. Elle en compte déjà 3229.