Le gouvernement Harper a donné le feu vert au projet d'oléoduc Northern Gateway, qui permettrait de transporter du pétrole albertain jusqu'aux côtes de la Colombie-Britannique, aux fins d'exportation vers l'Asie. Cependant, son « oui » a été tellement timide qu'on se demande s'il n'a pas conclu, à l'instar de bien des observateurs, que ce projet ne verra jamais le jour.

Le communiqué publié mardi par le ministre des Ressources naturelles, Greg Rickford, avait pour titre : « Le gouvernement du Canada accepte la recommandation (de l'Office national de l'énergie) d'imposer 209 conditions à la réalisation du projet Northern Gateway. » On le voit, le gouvernement a mis l'accent sur les nombreuses exigences de l'ONÉ plutôt que sur le projet lui-même.

Le ministre a de plus souligné : « Il est clair que le promoteur a encore du travail à faire pour remplir son engagement public de dialoguer avec les groupes autochtones et les populations établies le long du tracé. » C'est le moins qu'on puisse dire.

Il est difficile d'imaginer comment le promoteur, la société Enbridge, parviendra à gagner l'appui des nombreux adversaires du projet, parmi lesquels on trouve le gouvernement de la Colombie-Britannique et plusieurs nations autochtones. Des recours aux tribunaux sont annoncés. On ne verra pas les pelles mécaniques à l'oeuvre avant quelques années, au mieux. De plus, les deux principaux partis d'opposition ont annoncé qu'ils empêcheront la réalisation du projet s'ils sont portés au pouvoir l'an prochain.

Sauf un improbable revirement de situation, le projet Northern Gateway est donc mort et enterré. Plusieurs se réjouiront de voir l'industrie pétrolière subir un tel échec. Cependant, on ne peut pas en rester là. Les sables bitumineux constituent une richesse naturelle qu'aucun pays ne refuserait d'exploiter. Si Northern Gateway ne voit pas le jour, l'industrie trouvera d'autres moyens d'exporter son pétrole. Déjà, le transport par train est en forte hausse. Et plusieurs autres projets d'oléoduc sont en construction ou à l'étude.

Chaque projet compte bien sûr ses opposants. Toutefois, il est dans l'intérêt de tous les Canadiens que le pétrole des sables bitumineux soit vendu à bon prix là où on est prêt à l'acheter. Selon l'Agence internationale de l'énergie, la demande mondiale de pétrole brut atteindra 100 millions de barils par jour en 2020. C'est 25 fois la production totale du Canada. Si les raffineurs ne peuvent acheter une partie de leur pétrole en Alberta, ils en trouveront ailleurs.

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Les oléoducs sont des infrastructures d'intérêt national. On ne peut pas permettre qu'une seule province ou que quelques nations autochtones soient en mesure d'imposer un veto. Pour éviter un tel scénario, il faut un leadership fédéral fort et intelligent, autant sur le plan économique qu'environnemental. À ce chapitre, le gouvernement Harper a lamentablement échoué. Paradoxalement, en voulant aider l'industrie pétrolière canadienne, ce gouvernement lui a rendu la tâche plus difficile. La crédibilité des conservateurs en cette matière est aujourd'hui en lambeaux. Et probablement irréparable.