Déjouant sondages et commentateurs, le Parti libéral de l'Ontario a remporté la majorité des sièges aux élections provinciales de jeudi. Il est heureux que la première ministre, Kathleen Wynne, ait obtenu cette majorité. Elle en aura besoin pour s'attaquer aux problèmes qui minent les finances publiques et l'économie de la province la plus populeuse du pays.

La victoire de Mme Wynne est un véritable exploit politique. Un an et demi après avoir succédé à Dalton McGuinty à la tête d'un gouvernement minoritaire miné par les scandales, elle a réussi à obtenir la confiance d'une pluralité d'électeurs (39 %). Mme Wynne a rallié au Parti libéral beaucoup d'Ontariens inquiets de la diète radicale que les conservateurs de Tim Hudak promettaient d'imposer à l'État provincial. Elle l'a fait en tirant le tapis social-démocrate sous les pieds des néo-démocrates.

Cependant, ce virage à gauche rendra la tâche du gouvernement plus ardue. Hier, Kathleen Wynne a confirmé qu'elle déposera à nouveau à l'Assemblée législative le budget présenté le mois dernier, budget dont le rejet par l'opposition a mené aux élections de jeudi. Ce budget prévoit des augmentations des dépenses sociales, des investissements de 130 milliards en 10 ans dans les infrastructures et la mise en place d'un régime de retraite provincial obligatoire. Du même souffle, la première ministre a réitéré qu'elle veut rétablir l'équilibre budgétaire d'ici trois ans. Inévitablement, elle devra annoncer de douloureuses compressions.

Prenons la mesure de la situation. Cette année, le déficit de l'Ontario atteindra 12,5 milliards, un milliard de plus qu'en 2013-2014 et 5 fois plus que le déficit prévu par le gouvernement du Québec. La dette nette ontarienne est passée en 6 ans de 33 % à 40 % du PIB de la province. Cette dégradation est préoccupante, même si l'état ontarien reste moins endetté que son voisin québécois (51 % du PIB).

Queen's Park pourra sortir la tête de l'eau seulement si la conjoncture économique s'améliore. Cela dépendra en grande partie de la vigueur de la reprise aux États-Unis (destination de 80 % des exportations internationales de l'Ontario). Il faudra aussi que le gouvernement et le secteur privé de la province trouvent des moyens pour améliorer la productivité des entreprises, en perte de vitesse par rapport à celle de leurs concurrentes américaines. L'industrie automobile (100 000 emplois) fait face à une réorganisation continentale dont elle est sortie perdante jusqu'ici (le Mexique produit désormais plus de véhicules que le Canada).

Kathleen Wynne a pu tenir le gouvernail dans les eaux tumultueuses d'un gouvernement minoritaire. Souhaitons qu'elle saura profiter de sa majorité pour remettre l'économie et les finances de la province sur la bonne voie. Le Canada a besoin d'une Ontario forte.