Si la décision de Barack Obama sur l'oléoduc Keystone XL était fondée sur une analyse objective, il donnerait rapidement le feu vert au projet. En effet, l'étude exhaustive publiée la semaine dernière par le département d'État conclut de façon convaincante que le nouveau pipeline entre le Canada et les États-Unis n'aura pas d'impact significatif sur les changements climatiques.

Selon le volumineux document, Keystone ou pas, la production de pétrole dans les sables bitumineux continuera de croître: «Les facteurs déterminants pour le développement des sables bitumineux sont mondiaux plutôt que liés à un seul projet d'infrastructure. La production et les investissements dans les sables bitumineux pourraient ralentir ou accélérer suivant l'évolution des prix, de la réglementation et de la technologie, mais les effets de ces facteurs ne devraient pas être confondus avec ceux, plus limités, d'oléoducs particuliers.»

Si Keystone XL n'est pas construit, le pétrole albertain sera acheminé par train. D'ailleurs, l'industrie a déjà investi plusieurs milliards dans des quais de chargement pour le transport d'or noir par wagons-citernes. D'ici la fin de cette année, les trains pourront transporter plus d'un million de barils par jour de pétrole de l'Ouest canadien. Le transport sur rail de la capacité quotidienne de Keystone XL - 830 000 barils - exigerait entre 9 et 14 convois de 100 à 120 wagons-citernes par jour.

Même en supposant que, sans Keystone XL, ces 830 000 barils par jour ne seraient pas produits au Canada, l'impact du projet sur les émissions de gaz à effet de serre (GES) serait peu significatif, pour ne pas dire insignifiant. En effet, le marché américain irait chercher ailleurs, notamment au Venezuela et au Mexique, le pétrole dont il a besoin. La différence entre les deux scénarios est au maximum de 27,4 millions de tonnes de gaz à effet de serre, une goutte d'eau dans l'ensemble des émissions produites par les États-Unis. Rappelons que ces derniers sont responsables de 16% des émissions planétaires de GES, contre 1,7% pour le Canada.

Dans son discours de juin dernier sur la lutte aux changements climatiques, le président américain avait fait savoir que «l'effet de l'oléoduc (Keystone XL) sur le climat sera absolument critique pour déterminer si le projet peut aller de l'avant». Si tel était vraiment le principal facteur de sa décision, le rapport du département d'État mettrait fin aux hésitations de M. Obama. Malheureusement, dans ce dossier, les considérations politiques pèsent plus lourd que les conclusions rationnelles. Plus les élections de mi-mandat au congrès approchent (le 4 novembre 2014), moins il est probable que M. Obama annonce quoi que ce soit, par crainte de l'impact de sa décision sur les résultats des démocrates.

Espérons qu'une fois ces scrutins passés, le président mettra fin à ce suspense qui a trop duré et dira oui au projet Keystone XL.