Les partisans de la charte de la laïcité espèrent qu'une fois le projet de loi 60 adopté, c'en sera fini des accommodements contestables consentis aux minorités religieuses. C'est une illusion.

Sous cet aspect, le projet de charte ne fait qu'inscrire dans les lois des principes déjà établis par la jurisprudence. Les gestionnaires des services publics devront encore prendre des décisions délicates sur des demandes d'accommodements, et certaines susciteront inévitablement la controverse.

Ainsi, le projet de loi n'empêche pas qu'on accorde à des employés de l'État des congés de nature religieuse; elle indique seulement les aspects du problème qui devront être pris en compte par la partie patronale.

Le projet de charte n'interdit pas totalement qu'un client du gouvernement ait le visage voilé; il dit que cela doit être le cas «en règle générale». Des exceptions seront donc possibles et certainement controversées.

Pour ce qui est du port de signes religieux, outre qu'il va à l'encontre du droit fondamental d'exprimer ses convictions religieuses, le projet de loi 60 a une portée considérable, sans commune mesure avec le problème, inexistant, qu'on prétend régler. Ainsi, le port de signes religieux ne sera pas seulement illégal pour les employés du gouvernement, mais aussi pour ceux d'une foule d'organismes publics allant d'Héma-Québec à la Place des Arts, en passant par... la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse. Combien d'employés de la Société des traversiers du Québec et de l'Institut national des mines portent des signes religieux?

L'interdiction pourrait aussi être imposée «lorsque les circonstances le justifient» à une entreprise privée ayant obtenu un contrat du gouvernement. Au bureau du ministre Bernard Drainville, on donne l'exemple d'un fournisseur de services informatiques dont les employés travailleraient à temps plein dans des bureaux gouvernementaux. Dans son libellé actuel, cet article ouvre la porte à l'arbitraire et accroît encore l'étendue de la prohibition des signes religieux.

Le gouvernement s'assurera aussi que dans les garderies, les menus offerts n'aient pas pour but «d'amener l'enfant à faire l'apprentissage» d'un précepte religieux. Bonne chance aux inspecteurs chargés d'appliquer cet article de la loi...

Comme si les ministères, les hôpitaux, les commissions scolaires et les municipalités n'en avaient pas assez sur les bras, chacun devra rédiger et adopter une «politique de mise en oeuvre» des exigences de la charte. Ladite politique devra être révisée tous les cinq ans. Nombreuses et longues réunions en perspective!

En fin de semaine, la première ministre, Pauline Marois, a parlé d'«un grand geste pour mieux vivre ensemble.» Il s'agit plutôt d'un grand gaspillage d'énergies et de temps.