Dans une affaire où il est mis en cause, le gouvernement du Canada a décidé d'intervenir pour défendre son interprétation du droit (ou non) du Québec de faire sécession unilatéralement à la suite d'un référendum gagné à 50% plus un. Le gouvernement souverainiste du Québec a dénoncé cette «attaque frontale et sournoise».

Restons calmes. À la suite d'une démarche entreprise par le militant anglophone Keith Henderson, la Cour supérieure est appelée à se prononcer sur la validité constitutionnelle de la loi 99, réaction du gouvernement Bouchard à la loi sur la clarté. Le fédéral vient de présenter son point de vue au tribunal. Dans un dossier d'une telle importance pour l'unité nationale, il n'y a rien d'étonnant à cela.

Comme nous le disions hier, si la manoeuvre a été commandée par le gouvernement Harper, il s'agit d'une gaffe, un véritable cadeau fait aux souverainistes. Cependant, d'un point de vue constitutionnel, la démarche fédérale est parfaitement logique.

Il est plutôt curieux que les indépendantistes refusent au gouvernement du Canada le droit de défendre les intérêts de ce pays. À leurs yeux, il suffirait que 50% + 1 des électeurs québécois répondent OUI à une question, aussi tarabiscotée soit-elle, pour que le gouvernement fédéral accepte sans mot dire le démantèlement de la fédération. Eh bien non! Les Canadiens (dont de nombreux Québécois) s'attendent à ce qu'Ottawa protège l'unité nationale contre les velléités indépendantistes, cela tout en respectant la volonté des Québécois si jamais celle-ci s'exprimait par une majorité sans équivoque à une question limpide sur la séparation.

Devant la Cour supérieure, les juristes fédéraux soutiennent que la loi 99 doit être ou bien interprétée étroitement ou bien invalidée. Autrement dit, si cette loi ne fait qu'énoncer le droit des Québécois de se prononcer sur des questions relevant de la souveraineté provinciale, pas de problème. Si le texte vise plutôt à affirmer le droit de la population québécoise à faire unilatéralement sécession, alors il outrepasse les compétences attribuées aux provinces par la Constitution.

Dans cette cause, les procureurs de la province défendent la validité de la loi d'une manière qui a peut-être étonné le gouvernement Marois. En effet, selon le Procureur général du Québec, la loi 99 est constitutionnelle parce qu'elle n'a rien à voir avec l'indépendance. Ainsi, dit le mémoire de Québec, les arguments de M. Henderson reposent «sur une série d'hypothèses que rien ne permet d'entrevoir, notamment, que le gouvernement du Québec décide de tenir un référendum sur la souveraineté, que cette option l'emporte, que le Québec et le reste du Canada ne s'entendent pas sur les suites à y donner, que le gouvernement du Québec décide de proclamer unilatéralement la souveraineté du Québec, etc.» Il ajoute: «La Loi ne lie personne d'autre que l'Assemblée nationale et le gouvernement du Québec.»

À court terme, la relance de ce débat servira sans doute les intérêts du Parti québécois. Sur le fond, toutefois, l'affaire expose la principale faiblesse du mouvement indépendantiste, soit son incapacité à gagner à son option l'appui d'une majorité claire de Québécois.