Le gouvernement Marois a décidé d'ignorer toutes les objections et d'imposer aux Québécois une mesure dont un grand nombre d'eux ne veulent pas, de bafouer les droits fondamentaux des minorités religieuses, de diviser la province à des fins partisanes. On est consterné à la vue d'un gouvernement minoritaire se moquant avec autant d'insouciance des inquiétudes suscitées par sa politique.

Trois anciens premiers ministres et chefs du PQ ont suggéré à Mme Marois de limiter l'interdiction des signes religieux aux représentants de l'État en situation d'autorité. Leur opinion a été ignorée. La Coalition avenir Québec a aussi proposé une avenue de compromis; le gouvernement a rejeté l'idée du revers de la main.

Mercredi, Québec Solidaire a déposé un projet de loi susceptible d'obtenir une vaste adhésion, à condition que le gouvernement souhaite calmer le jeu plutôt qu'exciter les préjugés. Avec raison, la députée Françoise David a souligné les risques d'utiliser une question aussi délicate à des fins électorales: «Quand (la polarisation) se fait sur des questions d'identité, malheureusement, ça se fait sur le dos des minorités, ça se fait sur le dos des gens vulnérables.»

Le ministre responsable du dossier, Bernard Drainville, a tôt fait de repousser cette position en la jugeant «très, très minimaliste». Minimaliste de se préoccuper du droit au travail des femmes de religion musulmane? Minimaliste de rechercher un équilibre entre la laïcité et le droit fondamental de pratiquer sa religion? C'est plutôt un propos sage et rassembleur, qu'on aurait aimé entendre de la bouche de la première ministre.

Un autre ministre à l'arrogance ostentatoire, Jean-François Lisée, a eu le culot de déclarer que le prochain maire de Montréal «ne pourra pas dire qu'il a un mandat des Montréalais» pour s'opposer à la charte des valeurs péquistes. Quel mandat a donc le Parti québécois pour concocter un tel projet? Faut-il rappeler que ce gouvernement a été élu avec seulement 32% du vote dans la province? Que des 28 députés de l'île, seulement six portent les couleurs PQ?

Selon ce que rapporte notre collègue Denis Lessard, toujours bien informé, le gouvernement Marois n'a aucune intention de mettre de l'eau dans son vin. Au contraire, il veut y ajouter quelques gouttes de vinaigre pour s'assurer que la plaie ne guérisse pas.

«Un Québec pour tous», affirme le slogan de ce gouvernement. S'il maintient la ligne dure, on conclura que le «tous» des péquistes exclut les Québécois souhaitant jouir de «la liberté de manifester sa religion ou sa conviction seule ou en commun, tant en public qu'en privé», telle que garantie par la Déclaration universelle des droits de l'homme.