Plusieurs s'attendaient à ce que le ministre fédéral des Finances abandonne son projet de commission nationale des valeurs mobilières après avoir été rabroué par la Cour suprême il y a deux ans. Au contraire, Jim Flaherty a vu dans le texte du jugement une occasion de modifier le projet pour le rendre conforme au droit constitutionnel canadien. Cela lui a permis de conclure, la semaine dernière, une entente avec l'Ontario et la Colombie-Britannique sur la mise en place d'un «régime coopératif en matière de réglementation des marchés des capitaux».

Le ministre québécois des Finances, Nicolas Marceau, a raison de dire que «le gouvernement fédéral tente de faire indirectement ce qu'il ne peut pas faire directement». Cependant, il faut admettre que cette plus récente mouture est substantiellement différente de la précédente.

La première version visait la création d'une Autorité canadienne de la réglementation des valeurs mobilières qui aurait appliquée une loi et des règlements fédéraux. Dans ce régime, les provinces n'auraient pas eu grand-chose à dire. Il s'agissait, comme l'a conclu la Cour suprême, d'une «supplantation totale de la réglementation provinciale».

Dans des passages qui n'ont pas échappé à M. Flaherty, le tribunal soulignait toutefois que les provinces pourraient fort bien d'elles-mêmes adopter des lois uniformes et en déléguer l'application à un organisme central. «Rien n'interdit la démarche coopérative qui, tout en reconnaissant la nature essentiellement provinciale de la réglementation des valeurs mobilières, habiliterait le Parlement à traiter des enjeux véritablement nationaux», disaient les juges. C'est l'approche qu'ont adoptée Ottawa, Toronto et Victoria.

Ainsi, les lois sur les valeurs mobilières resteraient provinciales, mais elles seraient identiques. Un «organisme de réglementation des marchés des capitaux» serait créé, mais les provinces dotées d'une importante industrie de services financiers (représentant au moins 10% de l'industrie canadienne) auraient une influence considérable sur le choix des dirigeants de cet organisme, de même que sur le contenu des lois et des règlements.

On s'attend à ce que la plupart des provinces adhèrent à ce régime «coopératif». Resteront sur la ligne de touche l'Alberta et le Québec (30% de l'industrie des services financiers au pays). Québec envisage d'emprunter à nouveau la voie judiciaire. À première vue, les chances de gagner cette fois-ci sont beaucoup moins grandes.

Québec devrait donc songer à d'autres avenues. Par exemple, il pourrait choisir d'entreprendre dès maintenant une négociation visant à adapter l'actuel régime de passeports à la nouvelle situation. L'entente conclue la semaine dernière prévoit d'ailleurs de tels pourparlers avec les provinces non-participantes, «de façon à ce que le régime coopératif soit, dans les faits, appliqué à l'échelle nationale.»