Soixante-dix-sept mille (77 000) travailleurs de l'industrie de la construction sont rentrés au travail hier matin à la suite de l'adoption d'une loi spéciale par l'Assemblée nationale. Le projet de loi 54 a donné lieu à un bras de fer entre le gouvernement Marois et les partis d'opposition, ces derniers s'opposant à la reconduction de la convention collective pour une période de quatre ans.

Le gouvernement du Parti québécois a dans l'ensemble bien géré ce dossier. Certains auraient voulu qu'il mette un terme à la grève dès les premières heures. Québec a préféré donner une chance à la négociation. Trois jours après le début de la grève, la ministre du Travail, Agnès Maltais, a rencontré les parties pour les pousser à presser le pas. Son intervention a porté fruit: des ententes ont été conclues dans les secteurs du génie civil et de la construction résidentielle. Restait le secteur institutionnel, commercial et industriel (IC-I). Dès que l'impasse est devenue évidente, le gouvernement a convoqué l'Assemblée nationale. Ainsi, la stratégie gouvernementale a permis la conclusion d'ententes négociées pour la moitié de travailleurs de l'industrie. Et la loi spéciale est arrivée assez tôt pour limiter les dégâts à l'économie.

Le gouvernement s'est cependant égaré au moment de rédiger le projet de loi 54. Avant et pendant la grève, Mmes Marois et Maltais avaient souligné combien il était préférable que les contrats de travail soient le fruit de négociations plutôt qu'imposés. De plus, comme l'a rappelé la première ministre à l'ouverture du débat dimanche, «ce n'est pas le rôle des gouvernements de décider des conventions collectives dans le secteur privé.»

Par conséquent, on s'attendait à ce que l'intervention gouvernementale soit la plus restreinte possible: mettre un terme à la grève, viser la conclusion d'une entente négociée à court terme. Le gouvernement a plutôt proposé d'imposer une nouvelle convention collective d'une durée de quatre ans. La convention échue allait être reconduite, sauf pour les salaires, où le gouvernement voulait intégrer les augmentations de plus de 8% sur quatre ans convenues dans les deux autres secteurs.

«Cette loi de retour au travail ne penche ni d'un côté ni de l'autre», a affirmé Mme Marois. Or, ce n'était pas le cas du tout. En accordant aux travailleurs de l'IC-I les hausses de salaires convenues dans les autres secteurs à la suite de compromis faits de part et d'autre, le gouvernement prenait carrément parti pour les syndicats: les travailleurs voyaient leur rémunération augmentée sans avoir à faire quelque concession que ce soit. Et ce déséquilibre était bétonné pour quatre ans.

Bien sûr, dans ce dossier comme dans tout autre, chaque formation politique défendait aussi des intérêts partisans. Néanmoins, sur le fond, les libéraux et les caquistes ont eu raison d'insister pour que la portée de la loi spéciale soit limitée à un an.