Le gouvernement Marois déposera l'automne prochain un projet de «charte des valeurs québécoises». À part donner l'occasion au Parti québécois de monter un spectacle son et lumière nationaliste, on se demande bien à quoi cette charte pourra servir.

S'il s'agissait d'affirmer la neutralité religieuse de l'État québécois et d'en préciser le sens, un exercice nécessaire, il suffirait d'un projet de loi de quelques articles, tel celui présenté par le précédent gouvernement. Ce texte n'allait pas assez loin au goût du PQ parce qu'il n'interdisait pas le port de tout signe religieux par les employés de l'État. Le ministre responsable, Bernard Drainville, n'a qu'à présenter un libellé amendé.

Mais Québec veut aller plus loin. De dire M. Drainville, la nouvelle charte affirmerait les «valeurs québécoises» comme «l'égalité des hommes et des femmes» et «l'égalité de tous devant la loi, peu importe la religion, la langue ou le lieu de naissance». Cette approche soulève deux problèmes.

Un: ces valeurs ne sont pas «québécoises». Ce sont celles de toutes les sociétés occidentales démocratiques et celles-ci les ont inscrites dans leurs lois. Prétendre qu'elles sont spécifiquement québécoises, c'est se faire croire qu'elles nous caractérisent et que nous les respectons mieux que les autres peuples. C'est de la pure vanité.

Présentant aux nouveaux arrivants les «valeurs communes» des Québécois, le ministère de l'Immigration parle d'une société libre et démocratique, de la primauté du droit, du respect de la diversité, de l'équilibre entre les libertés individuelles et le bien-être collectif. N'en déplaise aux péquistes, il s'agit là de valeurs canadiennes autant que québécoises.

Deux: ces principes sont déjà affirmés et protégés par la Charte des droits et libertés de la personne (Québec) et la Charte canadienne des droits et libertés. De très nombreux Québécois ont invoqué ces lois pour faire valoir leurs droits au fil des ans. Combien de chartes (avec la celle de la langue française, nous en avons déjà trois...) faudra-t-il pour que nous soyons rassurés sur le respect de notre identité?

On y revient: la seule utilité d'une démarche aussi large que celle d'une «charte des valeurs québécoises» semble partisane. Le PQ espère sans doute placer les libéraux de Philippe Couillard dans une position délicate, eux qui ont sur ces questions une position plus nuancée (donc moins populaire). À court terme, le gouvernement Marois pourrait y gagner.

Toutefois, on l'a vu ici comme ailleurs dans le monde, les dossiers identitaires et religieux sont à manipuler avec grand soin. Il y a des débats qu'il faut faire; celui sur la neutralité de l'État québécois en est un. Mais rallumer l'affaire des accommodements religieux sous prétexte que ceux-ci menacent l'identité québécoise? Le Québec risque d'y perdre.