Selon le ministre fédéral des Ressources naturelles, Joe Oliver, qui était de passage à La Presse cette semaine, «les scientifiques nous ont dit récemment que nos peurs (au sujet des changements climatiques) sont exagérées.» Les journalistes présents lui ont tout de suite demandé de quels chercheurs il parlait. M. Oliver n'a pu donner de nom ou faire référence à quelque rapport, étude ou article que ce soit.

Voilà qui est renversant. Car les recherches en question existent, bien qu'elles ne concluent pas tout à fait ce que le ministre voudrait leur faire dire. À nos questions, M. Oliver aurait pu répondre que, depuis 10 ans, la température moyenne à la surface de la Terre n'a pas augmenté. Tous les experts s'entendent là-dessus. La très grande majorité d'entre eux estiment toutefois que cette pause, faisant suite à une hausse rapide pendant la décennie précédente, ne remet pas en cause le réchauffement à long terme de la planète.

S'il avait pris la peine de s'informer le moindrement, le ministre aurait aussi pu citer des travaux récents indiquant que le climat terrestre semble un peu moins sensible qu'on le pensait aux émissions de gaz à effet de serre. Selon une étude du Conseil de la recherche de Norvège, si la concentration de CO2 dans l'atmosphère est multipliée par deux par rapport au niveau préindustriel, la température de la planète augmentera de 2 degrés. La plus récente estimation du Groupe intergouvernemental d'experts sur l'évolution du climat est plutôt de 3 degrés. «Ce n'est pas une excuse pour ne pas s'attaquer au réchauffement dû aux activités humaines, souligne le responsable de l'étude, Terje Berntsen. Cependant, nos résultats indiquent qu'il sera peut-être un peu plus facile d'atteindre nos cibles qu'on ne le craignait.»

Les spécialistes ignorent pourquoi la température à la surface de la Terre a cessé de grimper. Ce revirement vient rappeler à tous la complexité inouïe du climat. La question des changements climatiques ne devrait donc pas être affaire d'idéologie ou de foi («croire aux changements climatiques»...), mais seulement de science, avec ce que cela suppose de rigueur, de curiosité et de prudence.

C'est pourquoi l'ignorance de Joe Oliver est sidérante. Elle révèle un je-m'en-foutisme, une paresse intellectuelle inadmissible de la part d'un ministre qui doit, selon la loi lui conférant ses pouvoirs, «respecter le principe du développement durable en ce qui touche les ressources naturelles du pays.»

Les plus récentes données sur le climat laissent espérer que le réchauffement de la planète se produira un peu plus lentement que prévu. Cela ne diminue en rien le devoir du Canada d'exploiter les sables bitumineux de manière beaucoup plus responsable qu'il ne l'a fait jusqu'ici.