L'accord conclu in extremis pour sauver Chypre de la faillite sonne le glas du petit pays comme place financière internationale. Des milliers de personnes vont se retrouver sans emploi, des investisseurs vont perdre des sommes colossales, la réputation du pays est en lambeaux. Comme le titrait Le Monde hier, «Chypre se retrouve sans modèle économique.»

L'entente à laquelle sont parvenus le gouvernement chypriote et l'Union européenne a le grand avantage, par rapport à la première version rejetée la semaine dernière par le parlement de Nicosie, d'épargner les petits déposants. Le fardeau de la restructuration des deux grandes banques de l'île repose désormais entièrement sur les épaules des actionnaires, détenteurs d'obligations et gros déposants (100 000 euros et plus). Parmi ces derniers, on compte plusieurs oligarques russes dont les problèmes n'attireront pas la pitié. Mais il y a aussi des épargnants et des entreprises légitimes qui n'ont rien fait pour se voir ainsi dépouillés.

La deuxième banque du pays, la Laiki Bank, sera fermée. Ses 8000 employés seront mis au chômage. Les dépôts assurés seront transférés à la plus importante Bank of Cyprus, qui devra être recapitalisée. À terme, le secteur financier, trop imposant pour une si petite économie, sera ramené à la moitié de sa taille actuelle.

L'impact économique de ces mesures sera dévastateur. On prévoit une récession, voire une dépression. Déjà, au cours de la dernière année, le taux de chômage est passé de 10,7% à 14,7%. Et, contrairement à d'autres pays qui ont dû être secourus par l'UE, Chypre peut difficilement compter sur d'autres secteurs de son économie pour se relancer. À moins que les importantes réserves de gaz dont rêvent les Chypriotes soient confirmées par les forages à venir.

Comme d'autres pays du sud du continent, Chypre subit aujourd'hui les conséquences de son insouciance passée. L'Union européenne et le FMI ne peuvent tout simplement pas leur verser des milliards sans avoir la garantie que des réformes en profondeur seront apportées.

Tout de même, on a la désagréable impression que les dirigeants européens, notamment les Allemands, ont décidé de faire de Chypre un exemple. Ils voulaient lancer un avertissement: désormais, ce ne sont pas les contribuables de l'Union qui viendront à la rescousse des institutions financières en difficulté, mais les déposants et détenteurs de titres. Chypre, toute petite économie dont la faillite aurait eu peu d'impact sur le reste de l'Union, dont le pouvoir de négociation était par conséquent réduit, faisait la sacrifiée parfaite.

Tout cela est sans doute nécessaire. Cependant, on ajoute ainsi un autre pays à la liste de ceux pour qui l'appartenance à l'Europe est devenue synonyme de chômage et d'appauvrissement.