«Attaque frontale contre le Québec», «entreprise de sabotage économique»: c'est ainsi que le ministre québécois des Finances, Nicolas Marceau, a qualifié le budget déposé jeudi par son homologue fédéral, Jim Flaherty. Hier, le gouvernement Marois poursuivait sur le même ton: «recul de 15 ans», «échec du fédéralisme», etc. Cette réaction hystérique risque de nuire à la crédibilité des démarches québécoises auprès du gouvernement Harper. Les conservateurs y verront une tactique découlant de la gouvernance souverainiste plus que l'expression d'une inquiétude légitime.

L'approche du critique en matière de finances de la CAQ, Christian Dubé, est beaucoup plus sensée. En point de presse, M. Dubé a reconnu que le budget Flaherty comportait plusieurs mesures favorables à l'économie québécoise, à commencer par le prolongement pour cinq ans du programme de soutien à l'industrie aérospatiale (un milliard) et la reconduction de l'allègement fiscal pour les investissements en machines et matériel des entreprises de fabrication.

Du point de vue québécois, deux propositions du budget soulèvent des préoccupations. D'abord, Ottawa veut modifier les paramètres d'une partie de ses transferts aux provinces pour la formation de la main-d'oeuvre. Comme nous l'avons écrit hier, cette initiative ne nous semble pas heureuse. Toutefois, elle ne change rien au transfert de responsabilités opéré en faveur du Québec en 1997. En outre, elle porte sur des fonds de 70 millions, à peine 9% des sommes qu'Ottawa envoie chaque année à Québec pour la formation de la main-d'oeuvre. Le gouvernement Harper ne cesse de dire depuis jeudi qu'il veut négocier; on est loin d'une mesure «enfoncée dans la gorge» du Québec.

Enfin, la modification proposée ne vise pas plus le Québec que les autres provinces. Plusieurs d'entre elles, notamment l'Ontario, ont d'ailleurs exprimé les mêmes préoccupations que Québec, effets de toge en moins.

Les partis siégeant à l'Assemblée nationale et les centrales syndicales s'élèvent contre l'abolition progressive du crédit d'impôt fédéral sur les contributions aux fonds d'investissement tels le Fonds de solidarité FTQ et le Fondaction CSN. Le changement n'entraînera pas la fin de ces fonds, qui demeureront des investisseurs imposants. Cependant, leurs actifs augmenteront moins rapidement d'année en année.

L'orientation choisie par Ottawa n'est peut-être pas judicieuse mais elle n'a rien d'odieux. Le fédéral n'est pas le seul à se demander si l'État doit éternellement subventionner la croissance de ces fonds syndicaux (aujourd'hui 10 milliards d'actifs). Certains pensent que le gouvernement Québec devrait s'interroger lui aussi.

Quoi qu'il en soit, ce n'est pas en annonçant la fin du monde que Québec convaincra le fédéral de revenir sur ces décisions. Il impressionnera davantage par une démonstration rigoureuse et largement partagée du bien-fondé de ses arguments.