Les États-Unis et l'Union européenne ont annoncé hier le lancement de négociations en vue d'un accord de libre-échange. Le président Obama avait évoqué le sujet la veille, dans son discours sur l'état de l'Union, déclarant qu'«un commerce libre et équitable de part et d'autre de l'Atlantique soutiendra des millions d'emplois américains bien payés.»

Depuis plusieurs mois, au Canada, on craignait cette annonce. Le gouvernement Harper a entrepris il y a presque quatre ans des pourparlers avec l'UE sur un Accord économique et commercial global (AECG). Certains croient que, si ces interminables négociations n'aboutissent pas rapidement, les Européens s'en désintéresseront au profit de leurs discussions avec les États-Unis.

Pour l'Europe, en effet, le marché américain est beaucoup plus important que celui au nord. Déjà, les États-Unis sont le partenaire commercial le plus important de l'UE: ils achètent 17% des exportations de marchandises européennes contre seulement 1,9% pour le Canada.

Le début de pourparlers États-Unis/Europe accroît la pression sur le gouvernement du Canada pour qu'il conclue rapidement l'AECG avec l'Union européenne. Hier, le président de la Commission européenne, José Manuel Barroso, a indiqué que l'accord avec le Canada était «très proche d'une finalisation». Il ne resterait que quelques dossiers sur lesquels il n'y a pas entente. Toutefois, il s'agit des questions les plus délicates, celles pour lesquelles les compromis finaux devront être décidés au plus haut niveau politique. On pense, entre autres, au commerce des produits agricoles, à la protection des brevets pharmaceutiques et à l'accès aux contrats publics dans les secteurs des transports collectifs et de l'énergie.

Selon certains qui suivent les négociations de près, les Européens voudront absolument conclure une entente avec le Canada afin d'établir des précédents qui les aideront dans leurs discussions avec les États-Unis. D'autres observateurs croient plutôt que les négociateurs européens adopteront la ligne dure avec le Canada, voulant éviter de faire des concessions qui affaibliraient leur main face à leurs homologues américains.

Cette dernière hypothèse est particulièrement inquiétante pour les Canadiens, d'autant que selon des documents ayant fait l'objet d'une fuite, les Européens se montraient déjà très gourmands.

À Ottawa, le gouvernement conservateur a fait de l'ouverture de nouveaux marchés pour les entreprises canadiennes l'une de ses priorités. L'échec des discussions avec l'Europe serait donc un dur coup pour Stephen Harper. Par contre, des compromis que la population jugerait excessifs comporteraient un coût politique élevé.

Ainsi, au cours des prochaines semaines, M. Harper aura à prendre l'une des décisions les plus difficiles et les plus importantes de ses années comme premier ministre.