Deux vedettes internationales, Gérard Depardieu et Jacques Villeneuve, font l'objet de vives critiques en raison de leur décision de quitter leur pays d'origine, apparemment pour payer moins d'impôts. Un député socialiste juge la décision de Depardieu «particulièrement égoïste» et l'accuse d'agir «au mépris de la solidarité nationale».

Le chroniqueur Mathieu Bock-Côté, du Journal de Montréal, écrit au sujet du coureur automobile: «Il y a des limites à ne se sentir solidaire de rien. Ce sont celles de la décence. Jacques Villeneuve vient de les franchir.»

Ni Depardieu ni Villeneuve n'ont expliqué les raisons de leur départ. Il n'est donc pas sûr que la fiscalité en soit la principale raison. Cependant, on sait qu'en Belgique (où Depardieu s'est installé) et surtout dans la principauté d'Andorre (où Villeneuve doit s'établir), les riches sont moins taxés qu'en France et au Québec.

En supposant que MM. Depardieu et Villeneuve aient voulu fuir sous des cieux fiscaux plus cléments, agissent-ils au mépris de leur devoir de solidarité envers leurs concitoyens, de leur devoir patriotique? Qu'en est-il des gens financièrement à l'aise, mais inconnus du public, qui déménagent pour la même raison? La réponse n'est pas simple.

Gérard Depardieu doit une bonne partie de sa fortune au soutien du public français. Son devoir de solidarité est-il infini pour autant? Y a-t-il un moment où, ayant largement contribué à un des systèmes fiscaux le plus gourmands d'Europe, il peut considérer avoir payé «sa dette» ? Est-il condamné, sous peine d'être accusé de trahison, à rester en France jusqu'à sa mort?

La situation de Jacques Villeneuve est différente. Né à Saint-Jean-sur-Richelieu, il a passé l'essentiel de sa vie à l'étranger. Que doit-il au Québec exactement? Et puis, dans son cas comme dans celui de Depardieu, la relation n'est pas à sens unique. Les grandes vedettes n'ont pas volé leur fortune. Elles gagnent beaucoup d'argent parce que, mieux que quiconque, elles comblent la soif d'émotions des spectateurs.

Les personnes riches ont évidemment l'obligation morale de contribuer au bien-être de la société. Cela dit, pourvu qu'elles respectent la loi, elles n'ont pas à se soumettre béatement et éternellement au système fiscal de leur pays d'origine, quelles qu'en soient les modalités. D'autant qu'une fiscalité lourde, en plus de viser à répartir la richesse, nourrit une machine bureaucratique et des droits acquis qui n'ont rien à voir avec la solidarité.

Si les riches doivent remplir leurs devoirs, une société doit assumer les conséquences de ses choix. L'État ne peut pas augmenter ad infinitum le fardeau fiscal des contribuables aisés et s'attendre à ce que ceux-ci ne réagissent pas.