Depuis la publication du rapport Duchesneau, il est tenu pour acquis que la sous-traitance au secteur privé des fonctions de génie civil est à la source des problèmes de collusion et de corruption dans les travaux publics. Le ministère des Transports et les municipalités seraient désormais à la merci des firmes de génie-conseil. D'où la solution proposée par M. Duchesneau, que Québec a commencé à mettre en place: le renforcement des responsabilités et des compétences de génie dans le secteur public.

Ce changement s'impose, comme le confirmera sans doute la suite du témoignage de l'entrepreneur Lino Zambito devant la commission Charbonneau. Cependant, l'intégrité du processus d'attribution et de gestion des contrats ne sera pas garantie pour autant. En effet, si l'on en croit les propos de M. Zambito, les ingénieurs du secteur public ne sont pas à l'abri de la corruption. Pour ce qui est des contrats attribués par la Ville de Montréal dans le secteur des égouts, cinq employés municipaux, des ingénieurs, auraient aidé les entreprises à gonfler leurs profits en échange de leur part du gâteau.

Un de ces ingénieurs augmentait artificiellement le coût des projets et empochait 1% de la valeur des contrats. Un autre faisait en sorte que des «extras bidons» soient acceptés par la Ville, en échange de 25% de ces dépenses supplémentaires. Des ingénieurs surveillant les chantiers étaient eux aussi soudoyés, toujours selon la version des faits de Lino Zambito.

«Il y avait du monde avec qui on faisait des projets qui était honnête, a dit l'entrepreneur au procureur Denis Gallant. Mais beaucoup de monde, puis ils s'organisaient pour faire équipe ensemble, avoir le bon ingénieur, le bon surveillant, ça travaillait de connivence.

- Ce que vous dites, c'est qu'à tous les échelons des employés de la Ville, il y avait des gens qui étaient corrompus?

- Absolument.»

Sans que cela ne diminue la responsabilité du maire Gérard Tremblay pour ce qui s'est passé sous sa gouverne, il faut noter que la collusion était en place bien avant son élection. M. Zambito aurait appris l'existence du système dès l'obtention de son premier contrat à Montréal en 2000, l'année précédant l'arrivée de M. Tremblay à la mairie.

La solution ne passera donc pas seulement par un rapatriement des travaux de génie au secteur public. La transformation du ministère des Transports en agence autonome ne suffira pas non plus à «en assurer l'intégrité, la transparence et l'efficacité», comme l'a soutenu la première ministre, Pauline Marois. «Où il y a de l'homme, il y a de l'hommerie», dit-on souvent. Le dicton vaut que l'homme soit politicien, entrepreneur, ingénieur au privé ou fonctionnaire. Il faudra donc mettre en place partout non seulement des règles plus sévères, mais des mécanismes permanents de surveillance et une culture encourageant la tolérance zéro plutôt que le silence.